jeudi 31 août 2006

Thoughts from Marseille

Ville de Marseille, il y a trois jours déjà : face à la mer, avec une Leffe (pression 33cl s'il vous plaît), je regarde le paysage, "mélange de bleu et de blanc", le bleu de la mer, le blanc des grands rochers calcaires, et c'est comme si je ne suis pas là... A travers mes cheveux qui forment une sorte de crinière à cause du vent, j'arrive à apercevoir des personnes qui se baignent... Ca fait du bien d'être là, coupée de tout, ou presque... Les amis présents me demandent des nouvelles du Liban, pour être courtois, sans qu'ils n'y comprennent grand chose, et en guise de réponse, je leur fait une analyse méthodique de beaucoup de choses, des actions du gouvernement libanais, des actions du gouvernement israélien, de l'opinion publique libanaise, de l'opinion publique israélienne, en concluant qu'on avait beaucoup trop rêvé l'année dernière, beaucoup trop...

Quelle est ma position à moi... Est-ce que le printemps de Beyrouth a réellement existé? Si oui, pourquoi en sommes-nous si loin, comme si rien n'était fait? Pourquoi la mentalité des gens est presque toujours la même, pourquoi croyons-nous si fort en quelque chose qui se révèle comme une utopie? Je sais qu'il faut espérer, et l'espoir est là, je ne baisserais pas les bras, loin de là... Mais, je me pose beaucoup de questions... La 3ème voie, on en parle, on la choisit, mais en fait, personne d'autre ne la prend, et on arrive à une impasse, parce que peu de gens y croient, et rares sont ceux qui savent qu'elle peut exister, la majorité, se donnant toujours au profit du grand gagnant, et bien que je pense que le grand gagnant est le Hezbollah, cela ne veut en aucun cas signifier que je sacrifie mes principes à ceux du Hezbollah. Par contre, si je réussis à faire la distinction, et justement de croire en une troisième voie, je pense cependant que l'ensemble du peuple libanais se soumet au court terme à cette victoire, entrainant, au long terme, un échec torturant du printemps de Beyrouth...

En même temps de ces explications, mes rêveries me prennent au coeur de mon combat dans Independance 05, et je pense, inéluctablement, à mon prof... Je pleure encore, je me dis que c'est impossible, j'arrive même à être en colère contre lui pour être parti... Ce satané 4 juin, ses filles nous dit (nous ses étudiants) : "si vous l'avez aimé, ne pleurez pas, faites vivre ses idées"... Et quoi qu'on dise, ça fait mal de se dire que ce que je dois faire maintenant, c'est de faire vivre les idées d'un homme assassiné (le terme martyr étant un mot qui était source de sa satire), alors que ça aurait été tellement plus facile de prendre le bout à droite de la première page du Nahar et la traduire un peu pour expliquer ce qu'il aurait dit sur ce qu'il se passe... Je relève le défi. Je veux que mon entourage sache ce qu'il aurait dit, du moins ce que je pense qu'il aurait dit, je veux aller le voir dès que j'arrive au Liban, et lui dire que même si on est un peu loin d'être "mission accomplie" (chose que je lui dirais sûrement de mon vivant), lui dire que ça évolue, plus lentement que ce qu'il aurait voulu, mais ça évolue... J'aurais par contre beaucoup du mal à lui expliquer ce que son député de gauche est en train de faire au parlement (ah pardon j'ai oublié qu'il était dans une liste ultra-libérale qui veut du Liban un paradis fiscal)...

Je me suis sentie triste, en regardant la mer, après cette sorte de monologue/rêveries dans mon coeur, j'ai pris un grand souffle de l'air marin, et j'ai soupiré, comme je ne l'ai jamais fait auparavant... Malgré ma tristesse, je sais qu'au fond de moi, je ne suis qu'une grande optimiste, malgré la politique, malgré l'amour cassé, malgré mon éloignement de chez moi...

La semaine prochaine, je serais dans le Nord, là où il pleut et il fait froid, à faire mille et une choses essentielles pour m'installer à Lille... Alors bizarrement, je me sens obligée d'être optimiste. Ca ne sert à rien de commencer une nouvelle vie si on est pessimiste au départ, et peu importe les circonstances qui nous rendent pessimistes (qui existent évidemment dans ma vie), je pense pas que ça serait une attitude à adopter quand on sait qu'on a encore toute la vie devant soi, de nouveaux amis, de nouveaux amours peut-être, une stabilisation de situation au Liban, en Syrie, en Palestine, et en Israel...

Alors, it's time to move on, et pour le coup, on boit une bonne, très bonne bière, qui change de la "Almaza" traditionnelle (même si heyda jawwna, heyda ne7na - ça le restera toujours -) en face des voiliers, et des vagues, c'est beau, et ça fait du bien, beaucoup de bien.

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Hier, nous sommes allées bronzer dans une calanque de La Ciotat, qui ne fait passer que peu de mistral par rapport à la plage ouverte... Bronzer là bas est probablement un des meilleurs bons plans de la région. De grandes roches nous protègent, Carine et moi, dont une qui ressemble etrangement à la tête d'un aigle... Rien à voir avec les rochers de Amchit ou de Jbeil... Au moins ici, on est à l'aise, à faire ce qu'on veut, sans se soucier des regards rivés sur n'importe quelle position, activité ou n'importe, que nous faisons.

Je pense à Beyrouth, et je pense vouloir répondre au commentaire de Raymond... Beyrouth c'est ma ville, je l'aime et je crois en sa beauté, en son originalité. Beyrouth, c'est la douceur de vivre, sans stress et sans contraintes, une dolce vita que tout le monde possède, enfants, jeunes, adultes, et vieux... Paris, c'est la liberté de vivre, de se sentir tout petit dans un monde trop grand, où chacun peut élire son chez soi. On choisit de vivre à Paris, parce que c'est beau, on investit dedans parce qu'on l'aime mais qu'on s'aime aussi, et on aime avoir un bon boulot, dans une grande capitale européenne... On choisit de vivre à Beyrouth, parce qu'on l'aime, et on se sent non seulement chez soi, mais on sent appartenir à son histoire, qui se joue en face de nos yeux encore... Pour moi, il n'y a aucun doute, si on me donnait le choix entre vivre à Paris ou vivre à Beyrouth, je choisirais Beyrouth. C'est vrai que c'est pratique de vivre à Paris, et c'est vrai que j'ai une passion pour Paris, pour Lille, mais la passion que j'ai pour Beyrouth est inégalable, passion pour ce que Beyrouth cache en dessous de ses cendres, de ses ruines, dans le coeur de chacun de ses habitants, entre les lignes des livres écrits à son sujet, à travers le sang de ceux qui sont morts à cause de leur croyance en Beyrouth, libre, libre, forum du monde arabe... C'est grâce à ça que je me dis, Beyrouth me donne des impressions, une façon de vivre, une attitude, une philosophie, que Paris ne pourra pas me donner, et que je chercherais à ce que ma carrière se fasse à Beyrouth, mais si la vie en décide autrement, l'important, c'est que je ne me déracine pas avec le temps qui passe...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'aimerais bien decouvrir Beyrouth
. Pour l'instant c'est toi que j'ais decouvert...
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http://tusitala.blog.kataweb.it/2009/01/08/la-petillante-a-beirut/
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J'espère que ca ne te deplais pas.
Ciao

P@ola