jeudi 17 août 2006

Je flâne...

Je flâne au dessus de tout...

Je commence une nouvelle vie, je m'habitue de nouveau à la France, à la pluie Picarde d'août (je suis en ce moment en Picardie, chez mon chéri), au vent du Nord quand je vais à Lille, ça ne me gène pas... Maintenant je sais que non seulement je me sens mieux, mais mon pays respire, difficilement, mais apparemment, l'espoir est présent dans tous les coeurs, ça me laisse espérer aussi...

Je devrais probablement effacer mon dernier post, parce que 30 minutes après l'avoir posté, je reçois un coup de fil de la fac qui me dit que le papier est prêt, un papier qui prouve que j'ai eu ma licence!!! J'y vais, et le lendemain, le jeudi 10, à 8h du matin, je vais recupérer mon visa, avec une demande urgente, et, à 11h30, j'étais dans la queue... Puis au lycée franco-libanais, à attendre, à rencontrer des anciens camarades de mon lycée, une connaissance de la plage, et Nadine... Sa présence m'a réconfortée, j'avais l'impression que je la connaissais tellement bien, je lisais son blog (et le lis toujours d'ailleurs) chaque jour...

Bientôt, des tracts tombaient du ciel (disant que l' IAF allait bombarder Chiyah près de chez moi), en même temps, mes copines m'appellaient sur le portable de Nadine, parce que j'avais laissé le mien avec ma maman... C'était un peu douloureux de se dire qu'en quelques heures je vais m'en aller, alors que je croyais que j'allais voyager vers le 20 août... Un peu perdue, j'ai même oublié mon petit pull dans le bus entre le lycée et le port...

Bref, le Jean Bart, et le Mistral, impresionnants... vous pouvez lire les impressions de ma partenaire de route, http://nadche.blogspot.com dans ses deux posts : "wsolna" et "de la 1701 à l'honneur des peuples"... la photo sur le pont du Mistral, laissant l'écume, c'est moi qui l'ai prise... Tout le monde avait sa caméra, son portable, et prenait des photos de cette vue, triste...

Sur le pont grandiose du Mistral, j'ai vu Beyrouth s'éloigner, de plus en plus, et je restais figée en face du port, de Beyrouth, de la côte, de la montagne, du brouillard qui couvrait comme toujours Harissa... J'ai eu l'impression que c'était Beyrouth qui partait, pas moi, c'était Beyrouth qui rapetissait minute après minute, qui disparaissait... Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais peur pour Beyrouth, à ce moment là, tout ce que je n'ai pas pu faire avant de partir me paraissait comme un regret, je ne voulais pas que je m'en aille comme ça, mais paradoxalement, je n'en pouvais plus de voir les infos 24/24 7/7, de voir la destruction, les enfants morts, le château de Beaufort (célèbre château croisé du Sud) bombardé, le temple de Bacchus qui ajoute sur ses fissures déjà apparentes des séismes et tremblements de terre (qui ont détruit Beyrouth) des fissures à cause du bombardement incessant de l'IAF...

Le Mistral laissait une écume énorme, et en avançant à sa vitesse maximum, c'est comme s'il tissait un gros fil qui me connectait toujours à Beyrouth, Beyrouth qui, en disparaissant de mon champ visuel, était pour moi dans une situation inconnue... Bientôt, je n'ai pu voir que la lune, ses reflets par milliers sur la mer, la mer, et la fregate (le Jean Bart)... J'ai passé un bon bout de la soirée, assise sur le bout du pont du Mistral, à regarder cette quasi-pleine lune et ses reflets, qui illuminent mon visage et les visages d'une vingtaine de personnes présentes à ce moment... Sans dire un mot, je me suis laissée aller en observant cette image fixe, à me dire combien la vie peut nous réserver des surprises, qu'on soit obligé de tout changer sans que l'on ait envie de le faire, et surtout, de voir combien avec de simples détails de la vie quotidienne, tout le reste d'une vie peut changer...

Les conversations avec les personnes sur le navire s'articulaient autour de la raison pour laquelle on s'en allait, si on avait une "base" en France, si on allait continuer à vivre en espérant rentrer un jour chez soi...

Aujoud'hui, et une semaine après cette aventure, je flâne au dessus de la Picardie, là où je suis en ce moment, je rêve de Beyrouth, de cette façon de vivre unique, de se laisser emporter par la douceur de la vie là-bas... Je flâne au dessus de Paris, je ne savais pas que cette ville m'avait tellement manquée, avec, à la place du sentiment de douceur, le sentiment de liberté, me sentant tellement petite en face du monde entier qu'aucune contrainte existe...

J'ai marché dans les rues de Paris, en chantant dans mon coeur "tousbihoun 3ala watan" de Marcel Khalifé (que vous soyez un jour dans une patrie)... J'ai pensé aux députés israéliens qui n'ont pas le droit d'objecter au discours d'Olmert, j'ai pensé aux libanais qui vont voir leurs maisons détruites, et le risque de voir une bombe exploser ou une mine déposée, ces libanais qui, face à la destruction totale de leurs propriétés ne peuvent rien dire autre que "fida el sayyed"...

Côté perso, l'été en Picardie c'est 20° maximum, et des pluies quotidiennes, un peu de soleil et le bronzage qui disparait... En septembre dernier à Lille il faisait un meilleur temps... J'irai dans le sud bientôt en espérant que je vais pouvoir bronzer et me sentir encore un peu mieux, et surtout à mieux me préparer pour la rentrée et l'hiver du Nord...

Je ne dirais pas comme l'année dernière :

En avril, je me suis dite que l'été 2005 allait être le meilleur été qui puisse exister pour le Liban, et pour moi. Je me suis trompée. Meme si je pars à la plage, je sors diner, je sors boire un verre, je reviens toujours à mon sentiment de colère, de douleur, de chagrin.

Pour le moment, je ne peux penser à rien. Je n'ai pas vraiment l'envie, ni la patience. Je m'en vais au nord, comme ca au moins, il fera la même température a l'intérieur et a l'extérieur de mon corps, de mon coeur.
(http://libertetjs.spaces.live.com/blog/cns!680A5F7AA7B8E319!115.entry)

Je me contenterais de dire que dans mon coeur, et dans mes pensées, il fera toujours chaud, prête à se jeter dans une piscine pour se rafraîchir, en me disant que jamais rien n'est fini, jamais rien ne mérite qu'on perde espoir en sa cause... 1400 personnes que je ne connais pas sont mortes cet été, 1 personne que je connais est morte le printemps dernier, pas pour la même raison, mais ils sont tous morts à cause d'un simple bouton, et ça, quelles que soient les victimes, et pour n'importe quelle raison, je suis contre, et je me batterais toujours, contre leurs assassins, jusqu'à ce qu'ils admettent leurs crimes : la Syrie, et Israel... Je sais que je rêve, et ce rêve est loin de se réaliser, mais au moins, je sais où je dois me mettre par rapport aux deux... JE VOUS AIME PAS (et voilà, ça, c'est fait!).

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