mercredi 21 juin 2006

A la plage

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13 mars 2006 : Le rêve est en nous

Le rêve est en nous...

Ce soir, il y avait une expo et un concert pour Samir. Je ne m'y étais pas préparée mentalement, et dès que j'ai vu quelques photos, j'ai senti une lourdeur dans l'atmosphère, et un dégoût. Probablement le même dégoût du satané jeudi 2.

J'ai reconnu quelques visages, j'ai parlé avec certaines personnes, mais je n'étais pas là... Je pensais à lui, à ce qu'il pourrait avoir comme commentaires sur la situation actuelle, s'il serait encore avec ce qu'on apelle les forces du 14 mars, ou s'il s'en serait détaché un peu... Qu'est-ce qu'il aurait dit de Walid Joumblatt, qui change de position à chaque fois qu'il respire, et qui, paradoxalement, gagne de plus en plus de popularité... Honte à ces gens-là qui lui donnent encore de quoi changer de position encore et encore et infiniment... Pour ne plus savoir à la fin qui était son ami d'hier, son ennemi d'aujourd'hui et son ami de demain... 1984 adapté au cher Beik.

Avant le début du concert, on nous a annoncé qu'il était interdit de fumer. Aussitôt, et comme il l'aurait fait sans doute, j'ai ouvert mon sac, sorti une cigarette, et je me suis mise à fumer tranquillement, ça m'a fait du bien!! Tous mes souvenirs, toute cette lourdeur, se sont envolés avec... Mais le dégoût, impossible... Toujours là, et plus fort qu'avant...

Demain, le dialogue reprend... Mais pour qui, si ce n'est pour ceux qui sont au premier rang? Tous! Ne croyez surtout pas qu'ils le font pour nous... Ils le font pour eux, pour le fait que leurs noms soient à jamais gravés dans l'histoire du pays, encore plus qu'ils ne l'étaient en temps de guerre... Sans doute, ils ont du se mettre à l'évidence que leurs actions doivent être plus portées vers le consensualisme, histoire de se dire "j'ai la conscience tranquille maintenant, au moins, ma chronique de guerre a été effacée dans la mémoire collective du peuple"... Et là, où tous nos espoirs se portent, vers les réactions du peuple, s'élève une forteresse de naiveté et limite d'innocence... Comment pouvez-vous vous attendre à quoi que ce soit d'un dialogue formé de gens qui se sont fait la guerre pour la lutte du pouvoir? Et pour ceux qui croient que certains de ces leaders ne l'ont pas fait QUE pour leur gloire, comment faites-vous confiance à ces leaders qui veulent continuer à faire de la politique alors que leur temps est révolu? Qui suis-je face à ce peuple d'ignorants qui suit encore leurs leaders même s'ils disent deux choses contradictoires en deux minutes?!

Pour eux, je serais quelqu'un qui ne comprends rien. Et peut-être que je ne comprends rien. Peut-être que ces leaders se sont réunis en pleine bonne foi, et pour "sauver le Liban"... Mais encore une question... Sauver le Liban de qui? de quoi? Moi, j'aimerai bien sauver le Liban de personnes comme vous... Demain, le dialogue reprend, et les comptes de guerre reprennent aussi... Pour ces 30 dernières années, on va avoir besoin de 60 années de dialogue.

On m'a dit que je suis devenue réaliste, mais je pense que je l'ai toujours été, la différence, c'est que maintenant, je suis pessimiste... Je n'arrive pas à voir ces vieux prendre des décisions à ma place, au moment où quand ils avaient le droit d'en prendre, en ont pris des mauvaises. Pourquoi je vais être sure que maintenant ils prendront les bonnes décisions? Parce qu'ils sont tous à la recherche de la vérité?

Non. Ils sont tous dans le même petrin. Ils doivent sauver leur peau, depuis le 21 février 2005, où ils ont vu que les libanais commençaient à avoir une opinion publique, ils les ont surpris... Ces leaders, ont bien repris le dessus, ils ont su rendre de nouveau le peuple dupe de leurs espoirs et de leurs promesses sans avenir...

Pourquoi tu n'es plus là pour commenter ce qui se passe? Et pour que je commente ton article?

Je pense encore à lui, surtout en ces moments, je vois son sourire ironique et son sarcasme face à des situations diverses, je vois tout l'espoir qu'il porte vers les jeunes... Et je vois que les jeunes ne répondent pas à ses conseils... Ils continuent de se battre pour des questions qui n'appartiennent plus qu'à l'histoire... Ils continuent de se battre, parce que leurs leaders de guerre sont toujours sur la première page, où qu'ils aillent, et c'est comme si toutes leurs fautes commises durant la guerre n'ont jamais existé, ou même le fait qu'ils y aient participée, ne donnant même pas un choix d'alternative au peuple. (Et je parle même pour le CPL - chose qui peut paraitre choquante sortant de moi...

Et nous... Nous sommes trop peu nombreux pour faire quelquechose... Tout ce que nous pouvons faire, c'est rêver... Alors, le rêve est en nous, le rêve est en moi, je ne porte plus autant d'importance à tout ça de toutes façons, ça m'a bien l'air absurde de vouloir garder les gens de la guerre en position de force... Je rêve, d'un Liban où les politiciens connaissent leurs limites, et où le peuple connait sa force d'action, où j'ai mon mot à dire, moi, jeune fille de 20 ans, qui aura à payer durant toute ma vie et durant la vie de mes enfants les fautes et dettes commises par ces leaders qui veulent faire renaître le Liban qu'ils ont écrasé sous leurs propres pieds un jour.

29 mars 2006 : Le système libanais à travers 1984


Le système libanais à travers 1984


1984 est un chef d’œuvre fascinant, écrit par George Orwell. En le lisant dernièrement, la ressemblance avec quelques aspects du champ politique libanais me parut frappante.

Qui est l’ennemi aujourd’hui ? Et l’allié ?
Qui était l’allié hier ? Et l’ennemi ?

Décidément, il existe tant de questions-clés propres au roman qui trouvent une adaptation unique en son genre dans la politique libanaise.
Entre Eastasia et Eurasia, le peuple d’Oceana n’arrive plus à suivre, on ne se souvient même plus de l’allié d’hier qui est devenu l’ennemi d’aujourd’hui. C’est bien grâce au travail incessant et acharné de toute une équipe logistique qui font disparaître toutes les preuves de l’histoire montrant l’ennemi actuel comme allié passé. Cette équipe, issue du « Ministère de la Vérité », a donc comme objectif de suivre l’évolution et l’alternance du statut allié/ennemi pour faire concorder l’opinion publique à cette nouvelle réalité.

Qui est l’ennemi aujourd’hui ? La Syrie. N’était-elle pas l’alliée hier ? Oui, mais personne ne se rappelle de rien. Pourquoi ? Les discours d’hier sont oubliés, les discours d’aujourd’hui sont aussi agressifs que la célèbre « Two Minute Hate »… En un temps, deux mouvements, les dirigeants tournent leurs vestes, changent leurs discours, et le peuple applaudit, inconscient de cette duperie. Engouffré par d’autres priorités, le peuple, principal soutien des dirigeants, en est la principale victime, en voulant « tourner la page ».

Malgré les caractéristiques de fond de Big Brother, qui n’ont rien en commun avec aucun dirigeant politique du monde entier, celles de forme peuvent, elles, être retrouvées dans les particularités de certains dirigeants politiques libanais. Quelle fut ma surprise de voir dans les discours de ceux-ci, le même aspect de haine qui existe dans les discours de Big Brother, haine qui, dans le monde utopiste d’Orwell, n’a aucun sens puisque l’ennemi est abstrait ; on le reconnaît, mais il peut changer, sans pour autant que la haine dans les discours ne varie. « Et toi, despote de Damas, c’est toi qui est l’esclave et nous sommes libres »… Sans compter les contradictions, (dont personne ne se rappelle) « Les fermes de Chebaa sont libanaises »…. « Les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises »… n’est qu’un simple et clair exemple du parallélisme que l’on peut mener entre Big Brother et Walid Joumblatt. Il va de même pour l’allié passé/ennemi actuel(Israël) et Big Brother/Samir Geagea. La gravité de ce changement, n’est pas ce dernier en soi, mais c’est bien l’inconscience de l’existence du changement de la part de tous les citoyens et autres dirigeants.

Le 14 février 2006 pouvait donc bien intégrer les festivités de la « semaine de la haine » (Hate Week) dans le monde de 1984. Les mêmes chansons partout et pendant des heures, le même genre de slogans, le même genre d’articles, sans compter le même genre de programmes télévisés pour véhiculer la même opinion… Au Liban, de simples pancartes, à la place de l’effigie de l’ennemi commun (momentané) qui est brûlée devant tout le monde dans 1984, suffit pour susciter la haine de toute la population. Le peuple est dupe, parce que le peuple est ignorant… Le principe « L’Ignorance est la puissance » (Ignorance is strength), fondamental pour la bonne gestion d’Oceana, devient ainsi adaptable à la situation libanaise, où tout le monde, et sans exception, tombe dans le cercle vicieux de la haine et de l’ignorance, chacun se cachant derrière son propre Big Brother.

Il est vital, pour ce pays, qu’il y ait des citoyens comme O’Brien, qui se rappellent bien qui était l’allié d’hier, et comment il est devenu l’ennemi d’aujourd’hui. Se souvenir du comment, du pourquoi… Ceux qui se souviennent, pourront un jour former un bloc assez solide, pour se représenter, et pour changer le système en forme et en fond, pour arriver jusqu’à la fin des Big Brothers libanais. Il est, en conclusion, encore plus vital, que ce O’Brien libanais, ne soit ni tué, ni émigré

12 décembre 2005 : A l'aide, on tue nos intellectuels!

A l'aide, on tue nos intellectuels!

excuse-moi Gebran...

Cruellement, et beaucoup plus forte que les autres, l'explosion qui a pris ta vie était bien ciblée... De multiples voyages à Paris, les bodygards, la sécurité au bâtiment du Nahar, tout ce que tu as fait pendant ces derniers mois, je m'en moquais souvent... Surtout après l'assassinat de mon prof, surtout quand j'ai vu que tu étais à droite de sa mère lors du premier jour des condoléances... Je savais qu'entre vous deux, ce n'était pas le meilleur des mondes. Aujourd'hui, même si vos chemis ont été très différents, vous êtes tués pour la même raison: vous dérangez.

Bordel!!! VOUS DERANGEZ!!! La semaine dernière tu as dit qu'il fallait trouver ces putains d'officiers baathistes et les juger pour ce qu'ils ont fait à nos officiers le 13 octobre... Même so ti ne faisais pas partie au début du groupe de députés qui militaient avec Solilde, tu t'es vite trouvé engagé. Et pour cause : Malgré ton parcours, que je trouve un peu opportuniste, tu es bien un homme qui s'est engagé, qu'on le veuille ou pas, tu aimes ce pays, du moins autant que nous, tu veux son bien, et encore plus, tu t'es battu à nos côtés, à côté des jeunes lors de ces longs mois de sit-in au centre-ville, tout comme Samir Kassir, mais certainement pour d'autres raisons...

Je me souviens lors de la séance parlementaire du vote de confiance du gouvernement, et sans vouloir faire de la propagande, le général avait expréssement demandé au ministre de la défense et au gouvernement, de mettre en priorité numéro 1 la mise en place d'une carte du Liban avec tous les points rouges, non accessibles à l'armée, anciennes bases palestos, camps palestos, autres camps etc... Ce plan sécuritaire n'étais pas aussi omportant pour le gouvernement, qui avait choisi à l'époque, et qui choisis encore et toujours de ne pas se mettre face-à-face de ce problème, entraînant une chaîne d'attentats, puisque rien n'est fait...

En ce moment, je pense à Ghassan... Quand il parlait de notre prof, comme il l'a fait il y a quelques jours en recevant du premier ministre français une médaille de légion d'honneur, il était clair qu'il le considérait comme son fils... Je me rappelle la seule fois que je les ais vus ensemble en face de moi, c'était quand Samir signait "Considérations sur le malheur arabe" dans le Lire en Français de l'année dernière... C'est bien bizarre mais ce même jour j'ai aussi vu May Chidiac...

Je viens de voir les nouvelles de midi de France 3, il y était invité le 21 octobre dernier, ils ont fait un reportage... Il y a dit que "La Syrie utilise la force, les explosions, les attentats... Mais je pense que nous sommes au bout du tunnel"...

Mais à l'aide, on nous tue nos représentants, notre élite, nos intellectuels! Que quelqu'un fasse quelquechose... Sinon, d'un côté on aura les vieux de la guerre, et d'un autre côté on aura les jeunes, qui ne sont pas encore prêts pour prendre le relais de gens comme Samir Kassir et Gebran Tuéni... Et qui nous reste-t-il dans le Nahar? Je me sens coupable de ne pas avoir cru en les craintes de Gebran, et il voyait ça venir... Mais il a aussi vu que nous sommes au bout du tunnel...

Je pense à lui, et je penserai à lui quand nous serons enfin hors de ce tunnel, je penserai aussi à tous nos martyrs, partis aussi gratuitement...

Mais on ne demande RIEN!!! Laissez-nous vivre en paix!! On veut évoluer, on s'en fout si vous ne voulez pas vous ouvrir au monde... Occidentalisés, ou orientalisés, arabisés, nous sommes le mélange de tout ce monde et nous en sommes fiers... Et quoique vous fassiez, nous le resterons, nous resterons l'espoir des peuples du monde arabe de voir leurs printemps s'approcher... Et, que nous le voulions ou pas, Beyrouth sera le printemps des arabes.

A Gebran, excuse-moi, même si çca ne sert plus à rien maintenant, je n'avais aucun droit de critiquer tes peurs, j'espère qu'entre toi et Samir, puisque maintenant vous faites partie du même monde, vous allez mieux vous entendre...

Que la course contre la montre s'arrête enfin, on veut nos hommes, nos intellectuels, et en même temps notre liberté, et pas une condition des deux!

2 janvier 2006 : 7 mois déjà

7 mois déjà

7 mois ont déjà passé depuis ce satané jour, 7 mois et j'ai l'impression que tout est différent autour de moi, et puis, même moi je me sens différente...

Je suis de retour à Beyrouth, et malgré ce temps superbe de décembre, je n'ai pas trop envie d'être là... J'ai revu mes amies, j'ai revu tout le monde que je connaissais, et je croise à nouveau tous les gens que je croise à chaque fois que je sors, mais c'est trop différent...

Je suis passée te voir, mais l'entrée pour te voir était différente, ta plaque était nettoyée, il n'y a plus les traces des mains qui ont refermé le marbre... Pas très loin de toi, trois personnes qui sont mortes comme toi, pour des raisons presque pareilles que les tiennes... Ca avait changé depuis la dernière fois...

Avant, j'étais triste que le Liban et le monde arabe perdent un intellectuel comme toi... Aujourd'hui, je suis dégoutée de voir que tout va de mal en pire, que ça soit sur la scène politique libanaise, à la fac, dans mes sorties...

Nos tentes sont parties, ne reste plus que des souvenirs, et des photographes qui font des livres avec leurs photos et font de l'argent sur le dos de notre intifada... Independance 05??? Ca n'a plus aucun sens maintenant, on l'a réduit à ZERO avec Freedom 06...

Freedom 06???? Qu'est-ce que ça veut dire??? C'est basé sur quoi??? Sur une seule tente qui représente l'unité nationale et qui est littéralement bâtie sur du béton? Le béton, c'est bien, mais il n'y a que ça, et tout seul, il casse, personne n'y croit, même plus les personnes qui se rassemblent en-bas et qui représente 0.2% des personnes qui se rassemblaient pour Independance 05...

En réalité, c'est une tente bien sophistiquée, comme je vous l'ai dit, non seulement elle est faite sur du béton, mais on prétend que son rôle devrait être aussi important que les tentes d'Independance 05...Je n'ai aucune réponse à tout cela... Pour moi, plus rien à la place de la Liberté ne me représente, et c'est une gaffe que d'essayer de créer un autre mouvement, parce que les gens reviennent à leur dégout d'après-guerre, à leur désintérêt pour la politique et pour leur pays...

khallassssJe reve d'aller de nouveau en France, et je sais qu'il y a de trop nombreux inconvénients, mais au moins je suis tranquille, je n'ai pas à me disputer avec des étudiants à cause de la politique, ni avec mes parents à cause de mes sorties, même s'il fait froid, le chauffage est fait pour ça!

C'est un rêve, je sais, mais bon personne ne sait...Tout me manque, la ville, Lille, mes amis, le tourisme dans le Nord-Pas-De-Calais, Paris, le marché de wazemmes, la rue de Béthune, le kebab du Sofra sur la rue Masséna, et surtout surtout, la personne qui était avec moi tout au long de ces moments...

2005 est finie, Independance 05, Lille 05, toute cette année a été pour moi un ensemble d'apogées positives et négatives, des sentiments d'extase suprême, et des sentiments de douleur atroce... L'année la plus émotionnelle de toute ma vie je dirai, où j'ai perdu (pour la première fois de ma vie)deux personnes très chères, mon grand-père et mon prof, mais où j'ai oeuvré autant que je pouvais pour une cause pourlaquelle je travaillais pendant des mois depuis mon entrée à la fac en 2003...

J'ai rencontré des personnes exceptionnelles, deux en particulier qui se reconnaitront et qui sauront qui est le second, j'ai laissé tomber une personne qui m'a fait beaucoup de mal, qui a pris avantage de moi le plus qu'il pouvait avec une lâcheté incomparable, et qui a menti à mon sujet, que mes proches vont reconnaitre...

L'année la plus émotionnelle puisque pour la première fois de ma vie j'ai voyagé, mais j'ai aussi voyagé durant mon séjour à Lille... Et surtout, l'année la plus émotionelle parce que j'ai décidé de partager avec quelqu'un des moments uniques que je n'avais jamais vécu encore, je lui en suis à jamais reconnaissante... Et c'est grâce aux souvernirs de ces moments-là que j'arrive à résister face à la tentation de retomber dans les impasses de la société libanaise.

5 février 2006 : 12 mars 2004 - 05 février 2006


12 mars 2004 - 05 février 2006


12 mars 2004 : Nous étions quelques 200 USJiens avec une thème pour notre manifestation : Sensibilisation contre l'émigration des jeunes... En dehors du campus, quelques 2000 forces de l'ordre et soldats de l'armée libanaise, 4 citernes de la défense civile.............

Et puis, au moment où on voulait sortir du campus, il y a eu le fameux clash, il y a eu des blessés et on a pas pu sortir du campus!!!

Merde est le seul mot que j'arrive à sortir quand je revois les photos de ce matin!

Ces intégristes de la jama3a el islamiyya s'en prennent à l'Eglise de Mar Maroun à Gemmaysé, ces intégristes qui étaient avec nous le 14 février dernier, et le 14 mars. J'avais vraiment confiance qu'on y était pour une même cause : celle du Liban souverain, je m'étais dite : Ca fait plaisir de voir que même si nos religions sont différentes, même s'ils sont des intégristes et moi modérée, on pouvait faire partie des gens qui avaient cru en ce Liban à un moment donné de l'Histoire.

Je me réveille aujourd'hui. Je réalise qu'ils n'ont jamais voulu ce que j'ai demandé dans ce 14 mars. Je ne sais toujours pas ce qu'ils veulent, mais je sais qu'ils ne veulent pas le même Liban que moi.

Pourquoi une telle mobilisation de la part de l'Etat pour quelques étudiants, et aucune pour ces milliers de fondamentalistes racistes? Comment ca se fait que personne ne fait quoi que ce soit quand ces hommes brulent des voitures et circulent librement dans Achrafiye?

On ne pouvait même pas sortir du campus, et là, c'est comme s'il n'y avait plus d'armée, de forces de l'ordre, de controle, RIEN.

Je ne peux relever qu'une seule chose positive, c'est le fait qu'il n'y ait pas eu de riposte armée de la part des habitants d'Achfariye (qui ont, il faut le dire, bcp d'armes cachées) C'est bien, parce que ca aurait pu etre pire!!!

L'important, c'est de savoir, et je pense que ces personnes-la etaient a Damas hier, dans les memes emeutes et il y a un rapport clair et net avec l'influence syrienne sur ce qui s'est passe aujourd'hui. C'est uniquement pour montrer que le Liban ne peut pas s'auto-gouverner, pour montrer qu'il n'y pas de veritable unition nationale... Mais en fin de compte, pourquoi? Ceux qui travaillent pour ces buts, n'ont rien offert de mieux que le chaos au monde arabe, ce sont l'image la plus concrete du malheur et du declin du monde arabe...

La crise pour moi, a bien debuté avec la fusillade des deux agents de municipalité de Naamé... Je vois bien les palestos et les sunnites intégristes d'une part, le hezbollah et amal d'une part, les musulmans modérés et les chrétiens d'une part, et les chrétiens extrémistes d'une part.

Let the game begin, je n'y crois plus.

28 septembre 2005 : Thoughts from Lille 1


Thoughts from Lille 1


"Quand j'entends le mot revolver, je sors mon stylo"

Le problème, c'est que plus personne n'a sorti son stylo comme tu le faisais. Et ca me fait doublement mal au coeur. Il n'y a personne pour prendre ta place. Personne. Ni pour tes articles, ni pour tes cours, ni pour ton rire moqueur et ta critique sarcastique.

Je porte ton pin's tous les jours, je prie pour toi tous les jours, malgré le fait que je sais que tu te moqureais de moi si je te le dsais.

Tu ne payais aucun respect (ou presque) aux figure tombées comme martyrs de guerre. Tu as raison de le faire. Mais toi tu es martyr de la liberté, tu es martyr dans un Liban qui se reconstitue (difficilement). Tu es Martyr, tellement différent des martyrs mythiifiés et idolatrés par certains.

Ne t'en fais pas pour nous, nous t'admirons seulement... Je ne penserais jamais à faire de ma mémoire de toi une obsession déifiante!!Mais il faut se rendre à l'évidence, personne n'aurait fait tout ce que tu as fais, et c'est prouvé, puisque personne n'a rien fais depuis que tu n'es pas là (sauf le wannabe Gebran).

Je porte ton pin's, et je réponds à toutes les personnes qui me demandent : "qui c'est?" ... C'est honteux de savoir que très peu de gens, des politistes français et meme des profs te connaissent ou connaissent ton histoire.

J'essaie de lire les nouvelles du Liban tous les jours, et quand j'arrive à le faire, je ne ressens que du dégout... Elo awwal ma elo ekhir...

Avant-hier, lors du sit-in, j'imaginais ce que t aurais pu dire à cette foule de jeuns que tu as conduit dans les coulisses pendant tous ces longs mois... J'imagine ton dégout à toi, face aux explosions, face à l'opposition plurielle en laquelle tu as cru à un moment donné, face au gouvernement qui ne fous rien jusqu'à maintenant...

J'imagine aussi la chaleur dans ton coeur quand tu aurais pu voir les jeuns de nouveau à la place de la liberté, qui n'arretent toujours pas d'espérer des jours meilleurs...

Debout en face d'eux, j'imagine ton inspiration pour ton article du vendredi, le regard dans les yeux avec peut-etre une idée pour faire encore bouger les choses.

Mais tu n'es pas là, je ne te vois pas dans les photos du sit-in, les idées n'y sont pas non plus... Personne n'est dans les photos, l'espoir ne se traduira pas en idées concrètes...

Je ne lai dis à presque personne (jusqu'à maintenant), mais le 1er septembre, dans la matinée, je suis allée te dire aurevoir, à bientot avant que je ne voyage... J'étais toute seule, avec les fleurs, quelques lettres, ta photo, et le foulard. J'ai vu le foulard dont tu es fier, ou étais fier puisque je ne sais pas si tu serais encore fier autant que tu l'était au début...

J'ai revu ton regard obscur et plein de haine de ce satané 4 juin, et je m'effondre, quand je réalise que je suis si impuissante, si faible, voire inexistante dans ce monde ignoble de terreur et de panique... Mes petites letres ne feront rien, sauf me donner le courage de continuer à écrire, et qui sait, peut-etre arriver à écrire à la moitié du niveau avec lequel tu écrivais...

5 décembre 2005 : Thoughts from Lille 2


Thoughts from Lille 2


Enfin, un peu de vérité... Enfin, les assassinats des officiers, du 13 octobre et même à d'autres dates, remontent peu à peu à la surface... On commence à en parler... Finalement, je sens que justice sera faite, je pense que pour eux, nous n'avons pas fait n'importe quoi, et que nos efforts sont en train de porter leurs fruits. Pour eux uniquement, pour tous ces soldats, officiers, prêtres et civils qui ont été sauvagement abattus, torturés, ensuite assassinés parce qu'ils étaient libanais, parce qu'ils défendaient le Liban.

Des milliers de martyrs... Et toutes les manifestations, tout ce qu'on a fait, est pour eux, pour la vérité quant au sort de ces milliers de personnes, pas seulement pour quelqu'un qui avait beaucoup d'argent et qui pouvait acheter tout le monde. C'est pour ces inconnus, qu'on ne connaît pas mais qui nous ont défendu, qui sont morts pour que nous puissions vivre dignement, pas seulement pour un homme bien particulier qui avait des connaissances partout dans le monde. Il faut revenir sur terre...

Je suis fière de ce que j'ai fait durant les premiers mois de 2005, parce que mes efforts ne sont pas partis en fumée, les restes des soldats sont en train d'être découverts et nous connaiterons enfin leurs identités, pour mieux leur rendre hommage. Je pense toujours à ce qu'il pouvait bien écrire à ce sujet... Rendre hommage aux martyrs inconnus de la guerre, de cette journée abominable que fut le 13 octobre, et dire enfin à tous ces gens qui n'y croyaient pas, à tous ces gens qui se moquaient bien du 13 octobre, qu'ils avaient tort, et que ce jour-là est marqué dans l'histoire du Liban, et qu'il le sera à jamais dans nos coeurs . C'est grâce au 13 octobre que nous avons eu la dignité d'aller demander de nouveau notre liberté et notre souvraineté.

J'ai envie demander à Walid Joumblatt qu'est-ce qu'il en sait lui de la souvraineté, qu'est-ce qu'il en sait de la dignité humaine? Pourquoi dédaigne-t-il ce jour qui lui a permis de dire à nouveau NON aux syriens? Je suis trop loin...Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas contente ici...

Tout est merveilleux, même si mes examens commencent aujourd'hui, c'est bientôt fini, je vais rentrer dans 3 semaines... Je n'ai pas eu aussi froid au coeur comme je l'avais pensé, j'ai rencontré de nouvelles personnes qui m'ont réchauffé ce coeur que je croyais glacé pour un bon bout de temps... Eh ben non, j'ai retrouvé ma passion pour la vie, j'ai retrouvé la passion pour me battre pour les causes que je trouve juste. Alors je vais rentrer, et je vais me battre, comme d'habitude, mais différemment, parce que j'ai appris des choses, et je sais maintenant que pour bien défendre quelque chose, il faut savoir s'en détacher un moment, et y penser avec du recul...

Ca ne veut pas dire que j'ai arrêté de penser, mais je sais bien que je n'ai pas accordé une aussi grande importance à ces sujets que si j'étais au Liban. Finalement, j'ai l'impression de vivre un rêve, mes amis ici ne sont qu'un rêve, Alexis n'est qu'un rêve, qu'il va falloir que je délaisse en prenant l'avion du retour, pour pouvoir me préoccupper de personnes qui vont être certainement plus proches, ma famille, mes copines... J'ai envie de prendre des choses de part et d'autre et de créer mon propre univers... C'est très dur de rencontrer quelqu'un, de vivre avec lui des moments fabuleux, et puis d'être obligé de l'oublier, parce que sinon il te hantera pendant tout le reste de ta vie... Je pense essentiellement à Alexis qui va terriblement me manquer dès que je pars sur Paris le 20 ou le 21. Je suis sure qu'il n'aimerait pas le fait que j'y pense déjà, et je suis sure qu'il a raison, ça ne sert à rien de se tracasser la tête comme ça. Il faut vivre les derniers moments comme si c'était des moments normaux qu'on passe ensemble... Je pense aussi à Roland, Magnus, Davide, Mara, Francesca, mais aussi Frantzeska,Tuija, Carlos, Sahib, Paolo, Jure et aussi Anne-so et Najeh et Arnaud et Raph et tous les autres... Mais c'est comme ça, et il faut se mettre à l'évidence, ils vont tous me manquer, bien sur ça sera Alexis qui aura la part la plus importante, mais bon j'ai eu des amis de part et d'autre de cette belle histoire.

Je pense que quand je dis que le Liban me manque, je commence à réaliser combien à son tour Lille va me manquer, et combien ces 4 mois de folie et d'expérience vont me manquer, combien ces amis avaient un truc vraiment sincère en eux, comme moi j'en avais pour eux, la2anno ma fi masla7a, on étaient potes parce qu'on s'amusaient ensemble et voilà! Après tout, faire tout ce que j'ai fait en 4 mois, faut bien le faire : Berck-sur-mer, Beauvais, Paris, Bruxelles, Amsterdam, Versailles, Eurodisney etc........... 3 capitales européennes et une capitale départementale et régionale française, vivre dans une capitale régionale :) au milieu du chemin entre Paris et Bruxelles, c'est quand même pas mal :) Je suis contente, et satisfaite, j'ai envie de vraiment ne pas penser au jour où je vais partir de là.....

1er Aout 2005: La Vie : L'espoir, la désillusion

La Vie : L'espoir, la désillusion

Janvier 2005 : Extrait de ma conclusion de ma fiche de lecture pour mon cours d'histoire du proche-orient contemporain donné par M. Kassir. Le titre du livre était : "Cri d'un chrétien d'Orient face à Israel, l'Amérique et l'intégrisme"

"L’année 2005 va marquer un tournant décisif dans l’histoire du Proche-Orient contemporain. L’application de la résolution 1559 et du SALRSA au Liban, les élections : législatives au Liban et en Irak, présidentielles en Palestine, et municipales en Arabie Saoudite pour la première fois de son histoire. Le monde arabe pourra-t-il tenir le coup de toutes ces élections en une année ? Où en sera l’Amérique, Israël et l’intégrisme d’ici un an, en janvier 2006 ? "


C'est fou comment le monde peut tourner autour de nous sans nous en rendre compte.

Je pourrais jurer qu'hier, nous promettons de tout changer, de faire notre révolution, de mettre l'ancienne société libanaise à l'arrière, de nous débarrasser de nos préjugés, de notre haine, de notre dégoût... Aujourd'hui, j'ai cette amertume dans mon coeur... Je me dis, peut-etre si j'avais fait plus d'effort, peut-etre si chacun de nous était plus impliqué dans notre nouvelle vie dans ces tentes...

La route du centre-ville, en face du virgin, a été réouverte. Mon impression, quand j'y suis passée en voiture, c'est que notre vie, notre quotidien pendant ce deuxième semestre de fac, n'était qu'un rêve. UN REVE!!!

L'air du printemps, le regard dans les yeux de chaque promeneur nocturne de la place de la liberté, les mains dans ses poches et le sourire au lèvres... L'adrenaline dans le coeur chaque lundi après le 14 février, le sentiment de pouvoir s'évader, s'envoler, vers un horizon meilleur... Les soirées près des tentes, le moteur des PNL, les guitares des chabibeh, les rires, la chaine humaine, les commandes de 20 sandwish quand on est que cinq personnes...

En plein milieu de Beyrouth, s'étendre sur le gazon, regarder vers le ciel, les journées enthousiastes, les nuits sereines, étaient des choses jamais faites. C'était comme si on goutait aux plaisirs interdits, on inaugurait le nouveau gazon de la place des martyrs. J'avais l'impression d'appartenir à un moment unique de l'histoire, c'était comme si le monde s'était arrêté rien que pour nous, et je vivais ca au maximum.

J'arrivais même à savourer chaque instant qui passait, un plaisir dur à expliquer, mais existant quand même. Je m'attendais bien évidemment à beaucoup trop.

Je me suis réveillée soudain, surprise par un choc qui me boulversa, ce satané 2 juin. Après la joie, l'extase, le plaisir d'appartenir à ce pays, à ce peuple, après tous les espoirs mis en ma force de faire aboutir mon point en politique et en société, c'était le tour à la douleur, à la désolation, aux pleurs, à la désillusion, voire à la déprime.

C'est fou combien le monde peut nous donner d'illusions.

J'y croyais tellement fort, que maintenant, j'y crois à peine. Pour moi, c'est le monde de la violence, de l'oppression qui gagne encore et toujours.

Nous n'avons plus de Samir Kassir pour nous donner un esprit réaliste d'optimisme, mêlé de critiques, mais aussi de sentiment de plaisir qui se faisait ressentir dans ses articles. Nous ne l'avons plus, il n'y a plus personne pour parler en notre nom, qui puisse se faire entendre de tout le monde, libanais, syriens, arabes...

Je me sens orpheline. Je lis les journaux, et c'est comme si je ne lisais rien. Les vendredis, j'attends en vain voir un article en son nom, ca m'énerve de me rappeller qu'il n'est plus là pour critiquer quelqu'un, pour donner une nouvelle approche...

Dans un mois, je m'en vais... Pour 5 mois. Mais je m'en vais quand même. Je ne sais pas vraiment comment je vais faire pour survivre mentalement, mais je pense que je ne perderai rien à y aller, au contraire, je gagnerai à ne plus déprimer chaque soir à voir son poster accroché dans ma chambre, je gagnerai peut-être la chance d'avoir une nouvelle façon de m'évader de cette réalité encore dure à avaler.

J'ai juste envie de tout oublier, oublier mes douleurs, mes joies, je veux juste voir le temps passer sans avoir de sentiments, je veux devenir passive, tout ca ne me regarde plus. Mon regard n'est plus porté vers ce qui l'était il y a 3 mois, et franchement, mon regard n'est porté vers rien en ce moment. J'ai vu comment ils ont pris avantage de ce malheureux 14 mars, comment ils l'ont tourné comme outil politique, ils s'en sont servis comme si nous n'étions pas des jeunes, des vieux, des libanais, des êtres humains. J'arrive à me dire que c'est bien qu'il ne soit plus là pour écouter Gebran Tuéni parler lors de la séance parlementaire du vote de confiance... Et même les autres... Tous les autres... Pour moi, ca a été la preuve que tout ce que j'ai fait, est parti en fumée.

Avec Thiersen, son piano et son accordéon que j'écoute maintenant, les jours tristes m'ont l'air bien moins tristes qu'ils ne l'en sont en réalité. Je m'éloigne en valsant, je m'éloigne pour ne plus voir ces personnes qui lui ont donné tant d'espoir, mais en meme temps, qui l'auraient décu tellement fort. Un promeneur nocturne solitaire, qui avait dans ses yeux cet esprit pétillant, qui d'un seul regard, pouvait égaler des milliers de regards d'évasion et d'immense bonheur, ca pouvait etre moi, chaque jeune, et mon prof.

En avril, je me suis dite que l'été 2005 allait être le meilleur été qui puisse exister pour le Liban, et pour moi. Je me suis trompée. Meme si je pars à la plage, je sors diner, je sors boire un verre, je reviens toujours à mon sentiment de colère, de douleur, de chagrin.

Pour le moment, je ne peux penser à rien. Je n'ai pas vraiment l'envie, ni la patience. Je m'en vais au nord, comme ca au moins, il fera la même température a l'intérieur et a l'extérieur de mon corps, de mon coeur.

6 juin 2005 : Ta génération...


Ta génération...


"A Marina

Que les pages du malheur s'effacent devant ta génération.

Samir Kassir

Le 23-10-2005"


Considérations sur le malheur arabe. Affirmation sur le malheur libanais: Samir Kassir, ils continuent de t'assassiner chaque jour mille fois...


Comment leur dire d'arreter? Comment leur dire que tu aurais exécré leurs discours qu'ils faisaient en face de toi, et pour la premiere fois sans que tu ne puisses y repondre? Comment leur dire que pour toi, il faut vraiment pas jouer a l'hypocrite, tu les connais un par un...
Ta vengeance, tu l'auras. Peut-etre ici, sinon ailleurs, par nos mains, ou par celles de ton Createur.


Ta deuxieme famille, ce n'est pas le Nahar, ce n'est pas le YAD... C'est nous, tes etudiants, qui ne se soucient pas de se demarquer, ou d'avoir plus de popularite... Je n'en veux pas d'ailleurs, je n'en ai pas besoin... Le YAD, tu l'as fondé, et si seulement tu pouvais voir ce qu'ils ont fait... Tu les aurais massacrés par tes paroles l'un apres l'autre... Des drapeaux? Depuis quand? Ils sont fiers de leur premier martyr? Et alors? Nous tous savons bien que sans toi, le YAD ne serait qu'un groupe de personnes sans ideologie nouvelle... Le Nahar? Arrete Gebran, putain! Je ne vais pas te saluer, tu n'es pas sa famille, c'est moi qui le suis et je le merite plus que toi d'etre assise pres de sa maman!


Mais quel malheur... Je n'en reviens toujours pas, je rentre dans ma chambre chaque soir, je regarde pres de mon lit... Ta photo, Ton livre... Tu es la, dans mes pensees, et si je pense a comment te provoquer demain durant ton cours, je pense a tous ces petits trucs que j'aurais pu te dire ce dernier jour... Tu es le seul qui pouvait nous parler de la periode d'avant-nous...


Alors comme ca, on t'arrache de nous, nous les jeunes, nous tes etudiants, nous tes disciples... Ils pensent que tu ne pourras plus rien faire et qu'on aura peur de se mettre debout tous seuls...
Tu n'as appris suffisemment pour qu'on sache qu'une bataille, elle se mene rigoureusement, mais d'une facon moderee...

Le printemps de Beyrouth, tu l'as eu, sous tes yeux, tu l'as vecu, et, tant mieux pour toi, tu ne le verras pas s'effondrer... Le printemps de Damas, c'etait ton reve, ta bataille supreme, ta bataille au niveau superieur. Tu t'es sans doute dis, que si nous avons gagné Beyrouth, nous redoublerons d'effort pour nos freres syriens...


Mais meme tes soi-disants freres libanais ne connaissent pas ta vraie valeur, ne reconnaissent pas qu'ils ont perdu l'ame la plus franche, la plus honnete, la plus integre, la plus cynique, la plus impitoyable desfois, la plus activiste...


Les mots ne peuvent vraiment pas exprimer ma douleur... Tu t'en vas comme ca, tu nous laisse, alors que nous, tes etudiants, avons besoin de toi... Tu nous laisse, alors que nous avons tellement de choses a apprendre encore, plus que ton cours, plus que nos discussions a la place de la liberte...


"غصّ صالون كنيسة مار نقولا للروم الارثوذكس في الاشرفية طوال نهار أمس وحتى المساء بالوفود والشخصيات الرسمية والسياسية والاعلامية والحزبية المعزية بالزميل الشهيد سمير قصير."


Pour le Nahar, pas la peine de nous mentionner, nous n'existons meme pas pour eux...
Les pages du malheur? Pour moi elles ont commencé avec ton assassinat...

C'est la pensée libre qui est touchée, c'est bien plus que le malheur economique ou financier, ou meme le malheur politique... C'est le malheur intellectuel.... Le pire, c'est quand on voit des gens qui te sous-estiment, qui, en croyant te critiquer, reviennent sur tes origines palestinienne et syrienne, un "leftie"...

C'est ca, le malheur, c'est de voir les gens critiquer les autres sur des bases qui sont totalement fausses et incoherentes... Je pleure pour ca...

5 juin 2005 : Le dernier jour


Le dernier jour...


Mercredi 1er juin,
Je n'oublierai jamais... Il est deja 1h00 PM, comme d'habiture, M. Kassir arrive vers 1h05, un sourire ironique au visage... "Yalla". C'est l'heure, pas la peine d'eteindre nos cigarettes, on les fait rentrer avec nous en classe. "Ah Monsieur, un instant j'ai oublie"... Je sors de la classe, et ramene avec moi le cendrier, son cher cendrier... Pour nous, c'est pas grave, on ramene des goblets avec un peu d'eau dedans...


Ce jour-la, l'avant-dernier cours, deux personnes avaient prepare un expose, il leur céda la place du prof, et comme d'habitude, se mit a se balader en nous regardant, a s'assoir sur le couch derriere les bancs de la classe, a fumer ses gauloises ultra light (apres avoir change des Philip Morris), le cendrier a la main. Puis, il s'assit pres de nous, entre nous, a ecouter parler de "l'art des mosquees"... On en a discute les mosquees, surtout celles de Beyrouth...


Les questions, a ceux qui exposent, pas a lui, il voulait bien voir ce qu'elles savaient, il avait cet air de septicisme quant a la sincerité du projet, ca se voyait dans ses yeux, mais il n'a rien dit... Il s'en fou pas mal de toutes facons, il ne veut pas etre desagreable... Il prefere regarder sa cigarette avant de l'eteindre, en se levant et en les remerciant pour le projet.


Il restait environ 45 minutes du cours... "Natasha, parlez-moi des elections, Marina, critiquez-moi ce qu'elle va dire"... Critiquer, facile... J'ai parle du Nahar, de sa bassesse, de son eloignement de sa superiorite en tant que journal elitiste... Il n'a pas repondu... Il a repondu a Philippe, qui lui parlait de Gebran... "Tu me parles a moi de Gebran? Tu me parles a moi de ca???" Il s'est laché, comme d'habitude...


La loi electorale, pas question pour lui qu'elle reste comme ca, il faut que chaque personne vote ou elle paye ses taxes..."Mais Monsieur, je ne peux pas quitter mes racines, c'est un truc culturel..." Un sourire tres cynique se dessine sur son visage... "C'est tres interessant cynthia ce que tu viens de dire, tres interessant, mais tres archaique, tres bete, tres stupide, je ne croyais pas qu'il y avait des personnes qui pensaient toujours comme ca, s'il te plait continue, et les autres, ecoutez-la c'est tres interessant...(mais qu'est ce que c'est archaique)"


On le provoque, il s'enerve...Il commence a parler en arabe "Ana 3am te7kine heik? wlo ana ana, 3am te7kine ana heik? Ma bi sir, 3raf abel ma3 min 3am te7ke" Encore, le sujet du Nahar... Il nous semble alors qu'entre Gebran et Samir, c'est un pti peu la guerre froide...


Il arrete un peu la discussion pour nous dire "de toutes facons, vendredi, ca va etre la derniere fois que vous me voyez"... Je lui ai repondu, avec d'autres camarades de classe "mais non, on va toujours vous voir a la tele, vous lire vos articles"... J'attendais vivement vendredi, pour pouvoir critiquer une derniere fois son article avant qu'il ne rentre en classe... J'etais en plus tres choquee de savoir que son article du vendredi devait etre intitulé "risala ila sadik 3awni", puisque je lui avait dit, vendredi passé "dakhlak Monsieur, lech ma btektoub 3anna ne7na? el chabeb? be3ouna w ra7o" apres une discussion en classe a propos des tentes et comment les politiciens nous ont mené du bout du nez...


Et puis, retour aux elections de Beyrouth... "Arretez d'etre hypocrites, il y a encore gharbiyye et char2iyye, il ne faut pas qu'on se leurre" dit un ami de Moukawimoun 7atta el 7orriye (ex- Ka3ida Kataeb).... Et C'est la pagaille en classe, entre "bala 7adiss ta2ife" et "ma ba2 fi gharbiye w char2iyye"... M. Kassir, regarde sa montre, remarque qu'il est deja 2h25...

Il se leve, regarde un autre ami qui etait deja debout et lui dit les derniers mots qu'il a prononce a la salle 52, salle Samir Kassir, "Tu as vu ce que j'ai fait? J'ai foutu la merde et je m'en vais", avec un petit rire, toujours le meme... Je l'ai entendu dire ces derniers mots, sortir de sa bouche, je lui ai souris : "Bye Monsieur" et j'ai continue dans la discussion qui ne s'est terminee que vers 3h00, puisqu'on avait un autre cours...


Nous ne meritons pas un martyr comme lui... Nous ne meritons pas nos martyrs...


S'il peut ecouter mes pensees, j'aimerai lui dire qu'il avait raison, mais qu'il y a encore beaucoup trop de personnes qui pensent "archaiquement" pour pouvoir arriver a une conclusion positive actuellement, j'aimerai lui dire qu'il est mon hero, que je l'aime et que je ne l'oublierai jamais... Les cigarettes durant son cours vont me manquer, ses remarques vont me manquer, ses sautes d'humeur, sa facon de chanter lors de mon exposé (musique arabe du XXeme siecle), sa facon de penser, ses blagues, son regard, son aide dans mes exposes... tout...

A M. Kassir, je te pleure, je pleure le Liban qui t'a perdu, je pleure notre génération qui vous tient comme idole, comme activiste pour un Liban meilleur, un rebelle pour la liberté, toute la liberté... Tu es libre M. Kassir, tu ne t'es jamais laissé faire, jusqu'au bout tu l'es resté, et tu l'es encore.