mercredi 21 juin 2006

1er Aout 2005: La Vie : L'espoir, la désillusion

La Vie : L'espoir, la désillusion

Janvier 2005 : Extrait de ma conclusion de ma fiche de lecture pour mon cours d'histoire du proche-orient contemporain donné par M. Kassir. Le titre du livre était : "Cri d'un chrétien d'Orient face à Israel, l'Amérique et l'intégrisme"

"L’année 2005 va marquer un tournant décisif dans l’histoire du Proche-Orient contemporain. L’application de la résolution 1559 et du SALRSA au Liban, les élections : législatives au Liban et en Irak, présidentielles en Palestine, et municipales en Arabie Saoudite pour la première fois de son histoire. Le monde arabe pourra-t-il tenir le coup de toutes ces élections en une année ? Où en sera l’Amérique, Israël et l’intégrisme d’ici un an, en janvier 2006 ? "


C'est fou comment le monde peut tourner autour de nous sans nous en rendre compte.

Je pourrais jurer qu'hier, nous promettons de tout changer, de faire notre révolution, de mettre l'ancienne société libanaise à l'arrière, de nous débarrasser de nos préjugés, de notre haine, de notre dégoût... Aujourd'hui, j'ai cette amertume dans mon coeur... Je me dis, peut-etre si j'avais fait plus d'effort, peut-etre si chacun de nous était plus impliqué dans notre nouvelle vie dans ces tentes...

La route du centre-ville, en face du virgin, a été réouverte. Mon impression, quand j'y suis passée en voiture, c'est que notre vie, notre quotidien pendant ce deuxième semestre de fac, n'était qu'un rêve. UN REVE!!!

L'air du printemps, le regard dans les yeux de chaque promeneur nocturne de la place de la liberté, les mains dans ses poches et le sourire au lèvres... L'adrenaline dans le coeur chaque lundi après le 14 février, le sentiment de pouvoir s'évader, s'envoler, vers un horizon meilleur... Les soirées près des tentes, le moteur des PNL, les guitares des chabibeh, les rires, la chaine humaine, les commandes de 20 sandwish quand on est que cinq personnes...

En plein milieu de Beyrouth, s'étendre sur le gazon, regarder vers le ciel, les journées enthousiastes, les nuits sereines, étaient des choses jamais faites. C'était comme si on goutait aux plaisirs interdits, on inaugurait le nouveau gazon de la place des martyrs. J'avais l'impression d'appartenir à un moment unique de l'histoire, c'était comme si le monde s'était arrêté rien que pour nous, et je vivais ca au maximum.

J'arrivais même à savourer chaque instant qui passait, un plaisir dur à expliquer, mais existant quand même. Je m'attendais bien évidemment à beaucoup trop.

Je me suis réveillée soudain, surprise par un choc qui me boulversa, ce satané 2 juin. Après la joie, l'extase, le plaisir d'appartenir à ce pays, à ce peuple, après tous les espoirs mis en ma force de faire aboutir mon point en politique et en société, c'était le tour à la douleur, à la désolation, aux pleurs, à la désillusion, voire à la déprime.

C'est fou combien le monde peut nous donner d'illusions.

J'y croyais tellement fort, que maintenant, j'y crois à peine. Pour moi, c'est le monde de la violence, de l'oppression qui gagne encore et toujours.

Nous n'avons plus de Samir Kassir pour nous donner un esprit réaliste d'optimisme, mêlé de critiques, mais aussi de sentiment de plaisir qui se faisait ressentir dans ses articles. Nous ne l'avons plus, il n'y a plus personne pour parler en notre nom, qui puisse se faire entendre de tout le monde, libanais, syriens, arabes...

Je me sens orpheline. Je lis les journaux, et c'est comme si je ne lisais rien. Les vendredis, j'attends en vain voir un article en son nom, ca m'énerve de me rappeller qu'il n'est plus là pour critiquer quelqu'un, pour donner une nouvelle approche...

Dans un mois, je m'en vais... Pour 5 mois. Mais je m'en vais quand même. Je ne sais pas vraiment comment je vais faire pour survivre mentalement, mais je pense que je ne perderai rien à y aller, au contraire, je gagnerai à ne plus déprimer chaque soir à voir son poster accroché dans ma chambre, je gagnerai peut-être la chance d'avoir une nouvelle façon de m'évader de cette réalité encore dure à avaler.

J'ai juste envie de tout oublier, oublier mes douleurs, mes joies, je veux juste voir le temps passer sans avoir de sentiments, je veux devenir passive, tout ca ne me regarde plus. Mon regard n'est plus porté vers ce qui l'était il y a 3 mois, et franchement, mon regard n'est porté vers rien en ce moment. J'ai vu comment ils ont pris avantage de ce malheureux 14 mars, comment ils l'ont tourné comme outil politique, ils s'en sont servis comme si nous n'étions pas des jeunes, des vieux, des libanais, des êtres humains. J'arrive à me dire que c'est bien qu'il ne soit plus là pour écouter Gebran Tuéni parler lors de la séance parlementaire du vote de confiance... Et même les autres... Tous les autres... Pour moi, ca a été la preuve que tout ce que j'ai fait, est parti en fumée.

Avec Thiersen, son piano et son accordéon que j'écoute maintenant, les jours tristes m'ont l'air bien moins tristes qu'ils ne l'en sont en réalité. Je m'éloigne en valsant, je m'éloigne pour ne plus voir ces personnes qui lui ont donné tant d'espoir, mais en meme temps, qui l'auraient décu tellement fort. Un promeneur nocturne solitaire, qui avait dans ses yeux cet esprit pétillant, qui d'un seul regard, pouvait égaler des milliers de regards d'évasion et d'immense bonheur, ca pouvait etre moi, chaque jeune, et mon prof.

En avril, je me suis dite que l'été 2005 allait être le meilleur été qui puisse exister pour le Liban, et pour moi. Je me suis trompée. Meme si je pars à la plage, je sors diner, je sors boire un verre, je reviens toujours à mon sentiment de colère, de douleur, de chagrin.

Pour le moment, je ne peux penser à rien. Je n'ai pas vraiment l'envie, ni la patience. Je m'en vais au nord, comme ca au moins, il fera la même température a l'intérieur et a l'extérieur de mon corps, de mon coeur.

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