mercredi 21 juin 2006

29 mars 2006 : Le système libanais à travers 1984


Le système libanais à travers 1984


1984 est un chef d’œuvre fascinant, écrit par George Orwell. En le lisant dernièrement, la ressemblance avec quelques aspects du champ politique libanais me parut frappante.

Qui est l’ennemi aujourd’hui ? Et l’allié ?
Qui était l’allié hier ? Et l’ennemi ?

Décidément, il existe tant de questions-clés propres au roman qui trouvent une adaptation unique en son genre dans la politique libanaise.
Entre Eastasia et Eurasia, le peuple d’Oceana n’arrive plus à suivre, on ne se souvient même plus de l’allié d’hier qui est devenu l’ennemi d’aujourd’hui. C’est bien grâce au travail incessant et acharné de toute une équipe logistique qui font disparaître toutes les preuves de l’histoire montrant l’ennemi actuel comme allié passé. Cette équipe, issue du « Ministère de la Vérité », a donc comme objectif de suivre l’évolution et l’alternance du statut allié/ennemi pour faire concorder l’opinion publique à cette nouvelle réalité.

Qui est l’ennemi aujourd’hui ? La Syrie. N’était-elle pas l’alliée hier ? Oui, mais personne ne se rappelle de rien. Pourquoi ? Les discours d’hier sont oubliés, les discours d’aujourd’hui sont aussi agressifs que la célèbre « Two Minute Hate »… En un temps, deux mouvements, les dirigeants tournent leurs vestes, changent leurs discours, et le peuple applaudit, inconscient de cette duperie. Engouffré par d’autres priorités, le peuple, principal soutien des dirigeants, en est la principale victime, en voulant « tourner la page ».

Malgré les caractéristiques de fond de Big Brother, qui n’ont rien en commun avec aucun dirigeant politique du monde entier, celles de forme peuvent, elles, être retrouvées dans les particularités de certains dirigeants politiques libanais. Quelle fut ma surprise de voir dans les discours de ceux-ci, le même aspect de haine qui existe dans les discours de Big Brother, haine qui, dans le monde utopiste d’Orwell, n’a aucun sens puisque l’ennemi est abstrait ; on le reconnaît, mais il peut changer, sans pour autant que la haine dans les discours ne varie. « Et toi, despote de Damas, c’est toi qui est l’esclave et nous sommes libres »… Sans compter les contradictions, (dont personne ne se rappelle) « Les fermes de Chebaa sont libanaises »…. « Les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises »… n’est qu’un simple et clair exemple du parallélisme que l’on peut mener entre Big Brother et Walid Joumblatt. Il va de même pour l’allié passé/ennemi actuel(Israël) et Big Brother/Samir Geagea. La gravité de ce changement, n’est pas ce dernier en soi, mais c’est bien l’inconscience de l’existence du changement de la part de tous les citoyens et autres dirigeants.

Le 14 février 2006 pouvait donc bien intégrer les festivités de la « semaine de la haine » (Hate Week) dans le monde de 1984. Les mêmes chansons partout et pendant des heures, le même genre de slogans, le même genre d’articles, sans compter le même genre de programmes télévisés pour véhiculer la même opinion… Au Liban, de simples pancartes, à la place de l’effigie de l’ennemi commun (momentané) qui est brûlée devant tout le monde dans 1984, suffit pour susciter la haine de toute la population. Le peuple est dupe, parce que le peuple est ignorant… Le principe « L’Ignorance est la puissance » (Ignorance is strength), fondamental pour la bonne gestion d’Oceana, devient ainsi adaptable à la situation libanaise, où tout le monde, et sans exception, tombe dans le cercle vicieux de la haine et de l’ignorance, chacun se cachant derrière son propre Big Brother.

Il est vital, pour ce pays, qu’il y ait des citoyens comme O’Brien, qui se rappellent bien qui était l’allié d’hier, et comment il est devenu l’ennemi d’aujourd’hui. Se souvenir du comment, du pourquoi… Ceux qui se souviennent, pourront un jour former un bloc assez solide, pour se représenter, et pour changer le système en forme et en fond, pour arriver jusqu’à la fin des Big Brothers libanais. Il est, en conclusion, encore plus vital, que ce O’Brien libanais, ne soit ni tué, ni émigré

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