lundi 4 décembre 2006

Place des martyrs... Martyrisée

14 Mars 2004 :

Nous étions quelques 300 étudiants à la place des martyrs, à demander l'indépendance, la souveraineté, des principes qui nous sont chers, nous les jeunes... 300 étudiants à se souvenir de la "guerre de libération" du général Aoun, et le quadruple en nombre des forces de l'ordre, de l'armée, et des citernes d'eau de la défense civile, une dizaine...
Ce jour-là, personne n'était avec nous, ni le Hezbollah, ni les futurs 14 Mars, ni les forces libanaises...
On était fous, personne ne nous soutenaient, là résidait vraiment le sens de la luttle pour la liberté...


14 Mars 2005 :

1 million et demi, de partout... C'était l'euphorie, de voir autant de monde qui soudainement, se sont mis à demander les mêmes choses que nous... J'avais confiance en ce mouvement, j'avais confiance en ses bases, les mêmes bases qu'un an auparavant (bien sûr avec en plus la "vérité" - ceci dit, laquelle? -) Je savourais les moments passés dans nos petites tentes, la guitare de David, les rencontres avec d'autres jeunes, les soirées chez les uns et chez les autres, les réunions des Amicales pour essayer d'organiser l'action de l'USJ.....

1 Décembre 2006:

Je regarde cette manifestation de loin, de très loin, et je ne sais pas si j'aurais aimé être au Liban en ce moment... Ce qui est sûr, c'est que c'est une 7ar2a bi albé, une déception, d'avoir donné 3 ans de mon activisme dans une chose qui finalement ne parait plus tellement prioritaire dans la vie politique actuelle, un Etat fort, un Etat tout court...
Du monde plus que durant le 14 mars, c'est très possible, mais l'esprit de la place de la Liberté, qui était déjà en déclin, s'enfouit sous les pieds des manifestants d'aujourd'hui...


Quand je pense à ces deux dates de 2004 et 2005, j'ai l'impression que c'était il y a vraiment très longtemps :) Et Quand je regarde notre place aujourd'hui, la place des martyrs, je réalise combien on martyrise cette place, son sens, son esprit, time after time depuis le 14 mars 2005...

Avec mon séjour-exil volontaire à Lille, je réalise que la vie est tellement plus grande que des manifestations, des tentes, des slogans qui, jour après jour se vident de sens, où la chère "résistance culturelle" de Père Abou semble être oubliée par mes anciens camarades, où, pour être vraiment écouté, entrer dans le jeu binaire qui d'après certains, remettent le champ libanais sous la confrontation de deux entités plus grandes que nous tous...

Avant cette manifestation/sit-in ouvert, les gens ont eu réellement peur... Il y a eu la guerre, et le Liban est resté, il y a eu la paix syrienne, et le Liban est resté, il y a eu une vingtaine d'explosions, et une dizaine d'assassinats, et le Liban est resté, il y a eu la mort de deux milliers de civils innocents, et le Liban est resté, alors, de quoi ont-ils peur? Et pourquoi ce refléxe alors que l'histoire a prouvé que le Liban demeure tel qu'il est quoi que les gens fassent, ni fédéral, ni annexé?

Bien sûr que j'ai eu peur, des FL de Ain el Remmané qui font des problèmes avec les gens qui veulent manifester, et vice-versa, et finalement, je suis soulagée de voir que les esprits restent calmes, et je me moque de moi-même quand je me dis que ça ne valait pas la peine que tout le monde me dise "le Liban est à la limite du gouffre"...C'est une phase, et ça passera, comme tout passe...

Entre "le Liban n'est pas l'Ukraine" (Nasrallah le 8 mars 2005) et "le gouvernement ne peut pas tomber sous la pression de la rue" (Sanioura il y a quelques jours) je reprends l'expression d'une bonne copine "Au pays de tous les paradoxes", Nasrallah qui utilise la pression de la rue aujourd'hui, Sanioura qui renie le fondement même de son accession au pouvoir!!! Et le général aujourd'hui prisonnier de son discours, pour de bonnes causes certes, mais sous une forme qui ne m'aspire pas confiance!!! En voilà un bon exemple...

Et puis, où sont les femmes dans les tentes? Où sont les filles du CPL? La participation dans la vie politique, ça vous dit quelque chose? L'activisme dans les grandes manifestations et sit-in, décidément, est masculin au sens le plus pur du terme, je ne pense pas que les filles soient acceptées dans les tentes pour y passer les nuits comme les garçons, alors, où est le cher principe d'équilibre dans la participation au mouvement? A ce que je me rappelle, il y avait bien un point dans le programme du général à ce sujet, mais pourtant, les filles ne sont pas les bienvenues dans les tentes, parce que l'année dernière, nombre d'arguments étaient élevés à l'encontre du camp de la Liberté, dont un en particulier qui visait à dire que quand il y a des filles, il y a du sex (OH MON DIEU!!!!!!)... Je peux vous dire, chers lecteurs, que ni j'ai fait, ni j'ai vu, ni j'ai entendu quelqu'un faire du sex en plein milieu du centre-ville entre 2000 manifestants par nuit dans quelques tentes :)
Alors pour cet argument du Hezbollah entreautres, et en tant que femme, je vous remercie pour le respect que vous nous portez, et je rappelles aux femmes du CPL qui ont participé comme moi au mouvement de 2005, que choisir entre respect d'être Femme et soumission en acceptant de ne pas dormir dans les tentes (donc du coût liberté individuelle et intégrisme) n'est pas très difficile...

Alors, de mon grand palace, en face de mon écran, je pense à mes anciens compagnons de "bataille", et dans quelle mesure ils se sentent aussi bien qu'en 2005 dans cette place de Beyrouth...

Finalement, et perso, ma vie ressemble aujourd'hui à un sprint vers l'indéfini, l'inconnu... Mais avec ce qui s'est passé avec Stroobia (pure coïncidence) jusqu'à maintenant, et avec ce mot en tête (...), je me dis que tout est possible, et ce qui se passera avec Stroobia, quoi qu'il se passe, sera résolument pour le meilleur, le meilleur indéfini, le meilleur inconnu...