Desfois, des choses arrivent dans la vie sans qu'on l'ait voulu... J'aurais aimé vivre l'été de toutes les promesses, voir mes copines chaque jour, avoir mon diplôme entre mes mains depuis le 21 juillet...
Malheureusement, tout peut disparaître (et tout a disparu) en un clin d'oeil : tous mes projets, tous mes désirs, toutes mes aspirations...
Donc, je n'a pas d'autre choix, je suis obligée de faire avec. Faire avec la guerre, faire avec les génocides, faire avec la destruction de l'infrastructure... Telle a toujours été la vie à Beyrouth, et j'ai l'impression qu'aujourd'hui, soit ce cycle infernal s'arrêtera à jamais, soit il continuera de tourner, de tourner, comme une histoire qui se répète, l'histoire de voir des enfants mourir, des réfugiés sans maison, encore et toujours, quel que soit le contexte, et quel que soit le responsable...
Je suis parmi les chanceux de ce Liban d'aujourd'hui qui n'ont pas à sortir de leurs maisons de peur des bombardements, je suis parmi les chanceux qui ont toujours assez d'électricité par jour pour écrire dans leurs blogs, je suis parmi les chanceux qui ont toujours de l'eau et de la nourriture, je suis parmi les chanceux qui ont... une valise et un visa.
Chance ou pas, mon visa est là.
Mais, que faire? Le ferry n'est que pour les français, et il y a peu de chances que j'arrive à aller à Larnaca. Je n'irai pas à Damas, par principe. Je ne demande pas de l'aide à un régime que j'ai foutu dehors, oui moi je l'ai foutu dehors de mon pays, de mes propres mains il y a tout juste un an. Reste Istanbul et Amman... Amman reste la solution idéale, je peux y aller sans visa.
Comme je l'ai déjà dit à un ami, je pourrais plus aider le Liban si je suis à Lille et que je lance une collecte de fond, que je ne l'aide si je reste à la maison ou j'aide la Croix-Rouge. Certains personnes s'occuppent de rendre la vie moins malheureuse, comme toi, tu travailles pour que les enfants gardent de bons souvenirs et oublient la misère, malheureusement, je n'y arrive pas, peut-être que je serais plus efficace ailleurs, là où je peux rassembler de l'argent et de l'aide, je veux et je peux travailler pour que plus tard ces enfants grandissent dans une maison qui leur fera oublier la misère...
Quand j'ai fini mes examens, je me suis dite que cet été je ferais des choix qui affecteront le restant de ma vie. Je ne savais pas que ça pouvait être aussi juste, et aussi grave en même temps... Après la licence, on peut aller n'importe où, on peut se lancer dans une vie en faisant de notre mieux pour aider le Liban, comme on peut rester là et se bâtir dès maintenant une carrière... En ces circonstances exceptionnelles, chaque mot de cette dernière phrase que j'ai répétée des milliers de fois cette année, je réalise de plus en plus la fragilité de cette situation, et l'importance de la décision que je vais prendre.
Je me sens un peu coupable d'avoir la chance d'y aller, d'avoir déjà mon visa, alors que d'autres vivent dans des situations très difficiles, mais je me réconforte en disant que je vais pouvoir mieux travailler pour le Liban et être plus efficace ailleurs...
Hier, lors des bombardements de Dahiyé, la maison a carrément bougé... Il n'y a que 2 km qui séparent ma maison de l'endroit bombardé, je ne peux pas vous raconter quel est ce sentiment, d'être dans son lit, de vouloir aller voir du balcon quelle partie de Dahiye a été bombardée, mais de ne pas pouvoir ouvrir les yeux autant vous êtes fatigué parce que, la veille aussi, vous n'avez pas dormi à cause desdits bombardements... Je ne comprends toujours pas comment ma mère a fait pour avoir une famille et éduquer 3 enfants à travers 16 ans de vie comme ces dernières semaines...
Je ne sais pas où je vais être dans 10 jours, je m'en fous, ce qui m'importe, c'est que tout ce bordel cesse, et que je me réveille de ce cauchemar... que le Liban se réveille de ce cauchemar...
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