lundi 7 août 2006

1er Août : Penser un peu à autre chose

2ème semestre de fac de l'année 2004-2005 : Dans un cours intitulé "Monde Arabe : Cultures et sociétés", donné par Samir Kassir, il était du devoir de chacun de faire un exposé sur un thème bien précis. Puisqu'il s'en foutait un peu de la forme, il n'a pas demandé qu'on lui rende un travail écrit, et nous a aussi permis de former des binomes. (Il est cool ce prof non?)

Binome formé avec une copine de classe, Yara. C'était une étape importante avant de choisir le sujet de l'exposé, qui fut déterminé en moins d'une demie heure de conversation : La Musique arabe qu'on appelle aujourd'hui classique, c'est à dire du début du XXème siècle.

Quand nous avons fait notre exposé en cours, je n'avais devant moi que quelques notes, Yara aussi, et une radio avec un cd, plein des chansons hyper classiques d'Oum Koulthoum, de Sayyed Darwish, d'Abdel Wahab et Abdel Halim, des versions de Sayyed Darwish par Fairouz... Je pense que c'était durant la première semaine de mai, il commençait à faire un peu chaud, bref, le printemps de Beyrouth, quelle expression de plus utiliser pour décrire ce moment...

Je n'avais devant que quelques notes, parce que ça aurait été trop nul de parler de la musique que Samir aime tant en lisant un texte, et puis, parce que ça ne se fait plus en cours d'université (de lire des exposés)... Bref...

20 minutes de pur plaisir, à parler de la musique, à s'arrêter pour mettre 2 minutes d'une chanson pour illustrer ce qu'on voulait expliquer. Mais le paroxysme, c'était le voir chanter, le voir sourire quand il chantait... Il regardait les personnes en cours, pour voir qui connaissait les chansons, et je suis sure que son estime grandissait envers quelqu'un quand il voyait que cette personne connaissait la chanson qui passait...
Succès garanti, on avait semé non seulement la bonne humeur en classe, mais notre prof nous a confisqué le cd!!!

Et puis, est venu le satané 2 juin... Du coup, puisque mon cher prof n'avait pas encore rendu les notes du semestre, on a tous dû rédiger les exposés... Je poste aujourd'hui la partie qui me concerne, c'est à dire l'introduction, de la théorie musicale, Sayyed Darwish et Oum Koulthoum... Yara devait faire Abdel Halim et Abdel Wahhab et l'impact de l'occidentalisation sur la musique arabe d'aujourd'hui, la commercialisation de la musique arabe...


A l’occasion de l’ouverture du canal de Suez, en 1869, le khédive Ismail (1863-1876) construit l’Opéra du Caire, qui s’est vite revêtu d’une importance historique et un symbole d’occidentalisation. C’est avec la Rigoletto de Verdi en novembre 1869 qu’il fut inauguré, suivi de Aïda en décembre 1871. C’est le début d’une nouvelle ère dans la musique arabe, l’ère de l’influence occidentale dans la musique orientale, et égyptienne en particulier. Ismail qui visait une européanisation de l’Egypte, encouragea le prestige et le statut social des artistes égyptiens de l’époque comme Almaz et Abdo el Hamouli.

I – Théorie du changement musical :

En 1904, un théoricien et compositeur Kamil Al Khoulaki mentionne dans son livre, « livre de la musique orientale » (kitab al mousiqa al charqi) que le piano, l’accordéon devenaient des instruments communs dans les maisons égyptiennes, aux côtés du ‘oud.

Le développement du théâtre musical était sous forme de traduction de pièces européennes et arabisées. Ces pièces combinaient la comédie, le chant, et même parfois la danse. Les artistes les plus connus alors sont : Abou Khalil Kabbani et Cheikh Salamah Hijazi.

Entre la première guerre mondiale et la fin des années 20, on assiste à la naissance d’une nouvelle forme théâtrale, un type de théâtre musical qui ressemble aux opérettes européennes. L’un des pionniers est Sayyed Darwish, considéré comme étant le père de la musique égyptienne moderne.

Dans le congrès de la musique arabe, en 1932, au Caire, des rapports ont testifié l’impact de l’occidentalisation sur la musique arabe. Nous assistons ainsi à un genre d’acculturation volontaire du peuple égyptien, qui semble vouloir s’ouvrir vers de nouveaux horizons musicaux.

Le Maqam, la mélodie arabe, est très différente de l’occidentale ; les intervalles entre les notes, les octaves (généralement du piano – où on voit l’apparition d’un piano oriental, créé par Abdallah Chahine, à 7octaves et demi - ) et les taqasim – les formes vocales (comme le layali ou le mouwwal) sont très spécifiques de la musique arabe.

Mais la notation à l’occidentale a prévalu, donc des symboles ont été ajoutés à la notation orientale afin de répondre à la complexité de la musique arabe.

Les modes métriques, les iqa’at, influencent la nature de l’équilibre vocal, et sont basés sur les instruments de percussion : Tablah, derbakke…

Aux instruments arabes comme le qanoun, le ‘oud, et le nay, ont été ajoutés le violon occidental, le piano, la violoncelle, au fut et à mesure de l’évolution de la musique. On arrivera même à introduire la guitare électrique avec Oum Koulthoum.

La montée des enregistrements commerciaux qui d’active en 1904, l’apparition du film musical en 1932 et la création de radios publiques dans les années 30s, a aidé à une large audience pan-arabe de la musique égyptienne. Pourtant, nous pouvons dire que le monde arabe est une terre pleine de contrastes musicaux à cause des différences des traditions et des cultures allant de l’Andalousie jusqu’en Irak.

II – Sayyed Darwish

Deux citations pour commencer :

Frédéric Lagrange « Sayyed Darwish est devenu l’icône qui symbolise le progrès, la modernité et le passage de la musique orientale, une musique élitiste faite pour les Bachas et baignant dans la matrice ottomane à la musique égyptienne, la première expression figuraliste de l’âme d’un peuple et leurs demandes nationalistes ».

Philippe Vigreux (Centralité de la musique égyptienne) « Sayyed Darwish a joué un rôle crucial dans l’adoption des techniques occidentales dans l’écriture de la musique et fit augmenter l’utilisation des instruments occidentaux considérés plus capables d’exprimer des émotions »

En dépit de sa courte vie, Sayyed Darwish est un des pionniers de la modernisation de la musique arabe.

Né le 17 mars 1892, près d’Alexandrie, il fut envoyé à l’école religieuse pour devenir mounchid car sa famille était pauvre. Il étudia ensuite 2 ans à Al Azhar avant de consacrer sa vie à la composition musicale et au chant. Samir Effendi, son professeur dans l’école musicale où il étudia plus tard admira son talent et l’encouragea pour se lancer dans une carrière.

A ce moment de sa vie, il travailla comme maçon pour aider sa famille, et chantait dans des cafés locaux. Il fut repéré par les frères Atallah, une troupe syrienne qui tournait en Egypte. Ils l’ont donc invité à chanter avec eux en Syrie. Là bas, il y gagna plus en éducation musicale qu’en réputation.

Plus tard, il rentra en Egypte et continua sa carrière. Il eut la véritable réputation de chanteur-compositeur. En 1912, ses chansons étaient devenues très connues dans le pays. Mais, il était encore désavantagé en comparaison aux stars de l’époque tels que Saleh Abdel Hay ou Zaki Mourad.

En 1917, il s’installa au Caire et rencontra Cheikh Salamah Hijazi, qui l’introduit au théâtre. Il est devenu ainsi un compositeur célèbre et le créateurs d’opérettas réussies jusqu’au point où il créa en 1921 sa propre troupe.

Ses œuvres, mélange d’instruments et d’harmonie occidentale avec les formes arabes classiques et le folklore égyptien gagna une popularité immense grâce à leurs sujets sociaux et patriotiques.

A son compte, 260 chansons et 26 opérettas, et l’hymne national égyptien qu’il a composé à partir de son inspiration d’un discours de Moustafa Kamel.

Il travailla avec les deux compagnies compétitives entre elles, celle de Nagib el Kitani (avec qui il produit « el ‘achara el tayyeba ») et celle d’Ali Kassar. Il a collaboré avec Mounira el Mahdiyya et a commencé un opéra « Cléopâtre et Marc Antoine » qui fut joué en 1927 par Abdel Wahab.

Tol’it ya mahla nourha (Chams el chammoussi) – Zourouni (kolli sana marra) – Ana hawet wannathet – ana ‘achekt

III – Oum Koulthoum

Oum Koulthoum (son nom complet est Oum Koulthoum Ibrahim al Sayyed al Baltagi) est née en 1896 ou 1904 (nous ne sommes pas surs, étant en présence de deux documents non officiels) dans un petit village égyptien du delta du Nil. Son père était l’Imam de la mosquée du village où il chantait lors d’évènements religieux.

C’est d’ailleurs le père d’Oum Koulthoum qui fut son premier professeur de chant. Elle a commencé ainsi à se produire dans les villages alentours, en se déguisant en garçon pour qu’elle soit acceptée. Durant son enfance, elle étudia le Coran et en chantait des morceaux.

En 1923, la famille décide de s’installer au Caire afin d’offrir de nouvelles possibilités à Oum Koulthoum pour se produire. Elle décide alors de suivre des cours de chant et de poésie (notamment avec le grand poète Ahmad Rami), puis d’engager une troupe de musiciens pour l’accompagner. En 1928, elle est définitivement reconnue parmi les professionnels du Caire.

A noter qu’un concert consistait généralement en une chanson de quelques vers qui pouvait être étalée jusqu’aux premières heures de l’aube, alternant alto/soprano/ténor.

Dès 1934, elle se produit régulièrement à la radio nationale égyptienne, puis au cinéma à partir de 35. Le succès croissant qu’elle rencontre dans les années 30 lui permet de prendre en main les rênes de sa carrière. A partir de 1938, elle devient son propre producteur et elle négocie elle-même ses contrats. Ses chansons à cette époque sont écrites principalement par Mohammad el Qsabji pour la musique et Ahmad Rami pour les paroles. Ses chansons dans un style très égyptien incorporent des instruments occidentaux comme le violoncelle ou la contrebasse, ainsi que la guitare électrique.

Les années 40 et 50 sont une période de succès ininterrompu pour Oum Koulthoum, entourée de nouveaux compositeurs comme Zakariya Ahmad puis dans les années 50s Mohammad Abdel Wahab. Toutefois, cette gloire est entachée par des problèmes de santé à partir de 1937 et ne cesseront plus tout au long de sa vie. Il est important à souligner ici qu’elle ne se tenait sur scène qu’avec un mouchoir qu’elle tenait à la main droite. (certains disent que c’est un mouchoir rempli de coke)

Elle eut beaucoup d’amants. Mais avec Nasser, elle forma le « couple » le plus influent en Egypte, en mettant les discours de Nasser juste après les concerts de Oum Koulthoum à la TV, afin d’avoir une audience incomparable.

Après la révolution égyptienne de 1952, et surtout après la défaite de 1967, le patriotisme d’Oum Koulthoum se manifeste par son action à l’étranger pour venir en aide à l’Egypte. Elle organise une tournée dans l’ensemble du monde arabe, défendant partout où elle passait son pays. Cet enthousiasme lui valut le surnom de « Voix et visage de l’Egypte ». Elle donna ainsi deux concerts à l’Olympia de Paris.

Al Sitt, mouru le 3 février 1975. Les journaux et la radio du monde arabe informent leurs auditeurs minute par minute de l’évolution de sa santé après son attaque cardiaque, et c’est une foule de plusieurs millions de personnes qui accompagnent sa dépouille dans les rues du Caire lors de son enterrement.

Aujourd’hui encore, Oum Koulthoum reste le symbole de la chanson égyptienne, la seule et unique diva du monde arabe, avec encore 300 000 cassettes de ses albums vendus chaque année en Egypte.

Sirt el hobb – Amal Hayati – Al Atlal – Arouh lamin – Lil Sabr hdoud – Alf Leila wa Leila – Enta Omry – Ya msahharni.


En espérant vous avoir fait changer un peu vos idées, en pensant à ce monde arabe qui avait tellement de potentiel pour naître, ou renaître et pour se développer, je reprends l'optimisme d'un ami qui dit que la Nahda n'est toujours pas terminée, elle attends juste un bon moment pour qu'elle explose, elle attends le printemps...

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