lundi 7 août 2006

24 juillet : L'été de toutes les promesses

En mars 2005, je m'étais dite que j'allais passer l'été le plus fabuleux et extraordinaire de l'histoire contemporaine du Liban. Le satané 2 juin, tous mes projets de pure détente dans un Liban souverain, pour la première fois depuis si longtemps s'écroulèrent comme un chateau de cartes face au vent.

En avril 2006, après mon acceptation au master de l'IEP de Lille, et avec la situation positive qui évoluait très doucement dans le pays, je m'étais promise de profiter à fond de l'été 2006 (enfin!)...

Des promesses de le passer avec mes copines chaque jour avant que je ne m'expartie volontairement pour deux ans, aux promesses de prendre en main mon propre avenir après un diplome de licence en poche... Des promesses de passer mon été entre l'Aqua et Deir el Kamar, à Beyrouth,d'aller encore une fois au moins dans le Sud, aux frontières, une fois au Assi pour une journée rafting, une fois au nord... "Khallas en été, ça sera chaque jour le happy hour au 37"... Je prendrais pleinement avantage de cette dolce vita que je mène avant de m'habituer au stresse d'une vie ordinaire à l'européenne...

J'aime mon pays, je voulais tellement passer mes derniers mois ici sans aucun souci, avec ma famille, avec mes amies, le vrai premier été pour moi dans un Liban qui n'est pas en larmes...

MAISSSSSSSSSSS....

Le 12 juillet, jour de ma soirée de promo, une semaine avant la remise des diplomes, l'été enfin attendu depuis plus d'un an, et pour certains, depuis plus de 31 ans, part en fumée.

Toutes les promesse d'un été sans précédent, d'un été révolutionnaire tant il est plein de joir et d'amour et je dirais même d'extase, d'un été de défoulement moral et psychologique dont j'avais tant besoin, toutes ces promesses ont laissé leur place à la consternation, puis à la désolation, puis au désespoir (enfin, au courage fragile avec une bonne dose de désespoir quand même).

Ce soir, je suis à l'aqua, je dors chez ma grand-mère. Au loin, j'entends clairement les bombardements sur Dahiye, et je me dis que tout le monde à la maison est surement réveillé tant le son doit être fort là-bas. Comme ce soir, je devais être à l'aqua, pas en train d'écrire au balcon, mais assise près de la piscine, avec mes copines, en train de boire une bière et de jouer aux cartes, en train de parler encore et toujours de cette remise des diplomes (qui d'ailleurs n'a pas eu lieu), qu'on attendait depuis le 20 septembre 2003.

Demain matin, j'essaierais de faire comme les autres ici, se dorer au soleil et nager, en oubliant les quatres navires israéliens au large. Mais c'est impossible d'oublier les images, d'oublier l'horreur et la misère, surtout quand je sais que je n'y peux rien, je ne peux pas arrêter les bombardements, ni l'exode massif des réfugiés, ni les morts.

Je ne peux pas arrêter la mort. Je peux me battre pour les vivants, pour les familles, pour les enfants, je le fais autant que je peux, et je le ferais encore.

L'été de toutes les promesses est devenu l'été du cauchemar perpétuel de tous les étés depuis 1975.

Finalement, j'irai, n'importe comment, mais j'irai. A Lille, je lancerais ma bataille pour le Liban. Où j'irais de là, je l'emporterais avec moi, je ferais tout pour que les gens autour de moi sachent la vérité sur toutes les injustices que subit mon pays.

Je reviendrais l'été prochain, en espérant pouvoir passer l'été de toutes les promesses depuis 2005, deux ans plus tard en 2007...

Je passerais même toute ma vie en attendant l'été de toutes les promesses. Et quand il aura lieu, dans un Liban, Etat pleinement souverain, si j'aurais 21 ou 71 ans, je ferais tout ce que je m'étais toujours promise de faire à l'été 2005, puis à l'été 2006, puis à l'été 2007, été 2008, été 2009...........

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