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Le système libanais à travers 1984
1984 est un chef d’œuvre fascinant, écrit par George Orwell. En le lisant dernièrement, la ressemblance avec quelques aspects du champ politique libanais me parut frappante.
Qui est l’ennemi aujourd’hui ? Et l’allié ?
Qui était l’allié hier ? Et l’ennemi ?
Décidément, il existe tant de questions-clés propres au roman qui trouvent une adaptation unique en son genre dans la politique libanaise.
Entre Eastasia et Eurasia, le peuple d’Oceana n’arrive plus à suivre, on ne se souvient même plus de l’allié d’hier qui est devenu l’ennemi d’aujourd’hui. C’est bien grâce au travail incessant et acharné de toute une équipe logistique qui font disparaître toutes les preuves de l’histoire montrant l’ennemi actuel comme allié passé. Cette équipe, issue du « Ministère de la Vérité », a donc comme objectif de suivre l’évolution et l’alternance du statut allié/ennemi pour faire concorder l’opinion publique à cette nouvelle réalité.
Qui est l’ennemi aujourd’hui ? La Syrie. N’était-elle pas l’alliée hier ? Oui, mais personne ne se rappelle de rien. Pourquoi ? Les discours d’hier sont oubliés, les discours d’aujourd’hui sont aussi agressifs que la célèbre « Two Minute Hate »… En un temps, deux mouvements, les dirigeants tournent leurs vestes, changent leurs discours, et le peuple applaudit, inconscient de cette duperie. Engouffré par d’autres priorités, le peuple, principal soutien des dirigeants, en est la principale victime, en voulant « tourner la page ».
Malgré les caractéristiques de fond de Big Brother, qui n’ont rien en commun avec aucun dirigeant politique du monde entier, celles de forme peuvent, elles, être retrouvées dans les particularités de certains dirigeants politiques libanais. Quelle fut ma surprise de voir dans les discours de ceux-ci, le même aspect de haine qui existe dans les discours de Big Brother, haine qui, dans le monde utopiste d’Orwell, n’a aucun sens puisque l’ennemi est abstrait ; on le reconnaît, mais il peut changer, sans pour autant que la haine dans les discours ne varie. « Et toi, despote de Damas, c’est toi qui est l’esclave et nous sommes libres »… Sans compter les contradictions, (dont personne ne se rappelle) « Les fermes de Chebaa sont libanaises »…. « Les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises »… n’est qu’un simple et clair exemple du parallélisme que l’on peut mener entre Big Brother et Walid Joumblatt. Il va de même pour l’allié passé/ennemi actuel(Israël) et Big Brother/Samir Geagea. La gravité de ce changement, n’est pas ce dernier en soi, mais c’est bien l’inconscience de l’existence du changement de la part de tous les citoyens et autres dirigeants.
Le 14 février 2006 pouvait donc bien intégrer les festivités de la « semaine de la haine » (Hate Week) dans le monde de 1984. Les mêmes chansons partout et pendant des heures, le même genre de slogans, le même genre d’articles, sans compter le même genre de programmes télévisés pour véhiculer la même opinion… Au Liban, de simples pancartes, à la place de l’effigie de l’ennemi commun (momentané) qui est brûlée devant tout le monde dans 1984, suffit pour susciter la haine de toute la population. Le peuple est dupe, parce que le peuple est ignorant… Le principe « L’Ignorance est la puissance » (Ignorance is strength), fondamental pour la bonne gestion d’Oceana, devient ainsi adaptable à la situation libanaise, où tout le monde, et sans exception, tombe dans le cercle vicieux de la haine et de l’ignorance, chacun se cachant derrière son propre Big Brother.
Il est vital, pour ce pays, qu’il y ait des citoyens comme O’Brien, qui se rappellent bien qui était l’allié d’hier, et comment il est devenu l’ennemi d’aujourd’hui. Se souvenir du comment, du pourquoi… Ceux qui se souviennent, pourront un jour former un bloc assez solide, pour se représenter, et pour changer le système en forme et en fond, pour arriver jusqu’à la fin des Big Brothers libanais. Il est, en conclusion, encore plus vital, que ce O’Brien libanais, ne soit ni tué, ni émigré
12 mars 2004 - 05 février 2006
12 mars 2004 : Nous étions quelques 200 USJiens avec une thème pour notre manifestation : Sensibilisation contre l'émigration des jeunes... En dehors du campus, quelques 2000 forces de l'ordre et soldats de l'armée libanaise, 4 citernes de la défense civile.............
Et puis, au moment où on voulait sortir du campus, il y a eu le fameux clash, il y a eu des blessés et on a pas pu sortir du campus!!!
Merde est le seul mot que j'arrive à sortir quand je revois les photos de ce matin!
Ces intégristes de la jama3a el islamiyya s'en prennent à l'Eglise de Mar Maroun à Gemmaysé, ces intégristes qui étaient avec nous le 14 février dernier, et le 14 mars. J'avais vraiment confiance qu'on y était pour une même cause : celle du Liban souverain, je m'étais dite : Ca fait plaisir de voir que même si nos religions sont différentes, même s'ils sont des intégristes et moi modérée, on pouvait faire partie des gens qui avaient cru en ce Liban à un moment donné de l'Histoire.
Je me réveille aujourd'hui. Je réalise qu'ils n'ont jamais voulu ce que j'ai demandé dans ce 14 mars. Je ne sais toujours pas ce qu'ils veulent, mais je sais qu'ils ne veulent pas le même Liban que moi.
Pourquoi une telle mobilisation de la part de l'Etat pour quelques étudiants, et aucune pour ces milliers de fondamentalistes racistes? Comment ca se fait que personne ne fait quoi que ce soit quand ces hommes brulent des voitures et circulent librement dans Achrafiye?
On ne pouvait même pas sortir du campus, et là, c'est comme s'il n'y avait plus d'armée, de forces de l'ordre, de controle, RIEN.
Je ne peux relever qu'une seule chose positive, c'est le fait qu'il n'y ait pas eu de riposte armée de la part des habitants d'Achfariye (qui ont, il faut le dire, bcp d'armes cachées) C'est bien, parce que ca aurait pu etre pire!!!
L'important, c'est de savoir, et je pense que ces personnes-la etaient a Damas hier, dans les memes emeutes et il y a un rapport clair et net avec l'influence syrienne sur ce qui s'est passe aujourd'hui. C'est uniquement pour montrer que le Liban ne peut pas s'auto-gouverner, pour montrer qu'il n'y pas de veritable unition nationale... Mais en fin de compte, pourquoi? Ceux qui travaillent pour ces buts, n'ont rien offert de mieux que le chaos au monde arabe, ce sont l'image la plus concrete du malheur et du declin du monde arabe...
La crise pour moi, a bien debuté avec la fusillade des deux agents de municipalité de Naamé... Je vois bien les palestos et les sunnites intégristes d'une part, le hezbollah et amal d'une part, les musulmans modérés et les chrétiens d'une part, et les chrétiens extrémistes d'une part.
Let the game begin, je n'y crois plus.
Thoughts from Lille 1
"Quand j'entends le mot revolver, je sors mon stylo"
Le problème, c'est que plus personne n'a sorti son stylo comme tu le faisais. Et ca me fait doublement mal au coeur. Il n'y a personne pour prendre ta place. Personne. Ni pour tes articles, ni pour tes cours, ni pour ton rire moqueur et ta critique sarcastique.
Je porte ton pin's tous les jours, je prie pour toi tous les jours, malgré le fait que je sais que tu te moqureais de moi si je te le dsais.
Tu ne payais aucun respect (ou presque) aux figure tombées comme martyrs de guerre. Tu as raison de le faire. Mais toi tu es martyr de la liberté, tu es martyr dans un Liban qui se reconstitue (difficilement). Tu es Martyr, tellement différent des martyrs mythiifiés et idolatrés par certains.
Ne t'en fais pas pour nous, nous t'admirons seulement... Je ne penserais jamais à faire de ma mémoire de toi une obsession déifiante!!Mais il faut se rendre à l'évidence, personne n'aurait fait tout ce que tu as fais, et c'est prouvé, puisque personne n'a rien fais depuis que tu n'es pas là (sauf le wannabe Gebran).
Je porte ton pin's, et je réponds à toutes les personnes qui me demandent : "qui c'est?" ... C'est honteux de savoir que très peu de gens, des politistes français et meme des profs te connaissent ou connaissent ton histoire.
J'essaie de lire les nouvelles du Liban tous les jours, et quand j'arrive à le faire, je ne ressens que du dégout... Elo awwal ma elo ekhir...
Avant-hier, lors du sit-in, j'imaginais ce que t aurais pu dire à cette foule de jeuns que tu as conduit dans les coulisses pendant tous ces longs mois... J'imagine ton dégout à toi, face aux explosions, face à l'opposition plurielle en laquelle tu as cru à un moment donné, face au gouvernement qui ne fous rien jusqu'à maintenant...
J'imagine aussi la chaleur dans ton coeur quand tu aurais pu voir les jeuns de nouveau à la place de la liberté, qui n'arretent toujours pas d'espérer des jours meilleurs...
Debout en face d'eux, j'imagine ton inspiration pour ton article du vendredi, le regard dans les yeux avec peut-etre une idée pour faire encore bouger les choses.
Mais tu n'es pas là, je ne te vois pas dans les photos du sit-in, les idées n'y sont pas non plus... Personne n'est dans les photos, l'espoir ne se traduira pas en idées concrètes...
Je ne lai dis à presque personne (jusqu'à maintenant), mais le 1er septembre, dans la matinée, je suis allée te dire aurevoir, à bientot avant que je ne voyage... J'étais toute seule, avec les fleurs, quelques lettres, ta photo, et le foulard. J'ai vu le foulard dont tu es fier, ou étais fier puisque je ne sais pas si tu serais encore fier autant que tu l'était au début...
J'ai revu ton regard obscur et plein de haine de ce satané 4 juin, et je m'effondre, quand je réalise que je suis si impuissante, si faible, voire inexistante dans ce monde ignoble de terreur et de panique... Mes petites letres ne feront rien, sauf me donner le courage de continuer à écrire, et qui sait, peut-etre arriver à écrire à la moitié du niveau avec lequel tu écrivais...
Thoughts from Lille 2
Enfin, un peu de vérité... Enfin, les assassinats des officiers, du 13 octobre et même à d'autres dates, remontent peu à peu à la surface... On commence à en parler... Finalement, je sens que justice sera faite, je pense que pour eux, nous n'avons pas fait n'importe quoi, et que nos efforts sont en train de porter leurs fruits. Pour eux uniquement, pour tous ces soldats, officiers, prêtres et civils qui ont été sauvagement abattus, torturés, ensuite assassinés parce qu'ils étaient libanais, parce qu'ils défendaient le Liban.
Des milliers de martyrs... Et toutes les manifestations, tout ce qu'on a fait, est pour eux, pour la vérité quant au sort de ces milliers de personnes, pas seulement pour quelqu'un qui avait beaucoup d'argent et qui pouvait acheter tout le monde. C'est pour ces inconnus, qu'on ne connaît pas mais qui nous ont défendu, qui sont morts pour que nous puissions vivre dignement, pas seulement pour un homme bien particulier qui avait des connaissances partout dans le monde. Il faut revenir sur terre...
Je suis fière de ce que j'ai fait durant les premiers mois de 2005, parce que mes efforts ne sont pas partis en fumée, les restes des soldats sont en train d'être découverts et nous connaiterons enfin leurs identités, pour mieux leur rendre hommage. Je pense toujours à ce qu'il pouvait bien écrire à ce sujet... Rendre hommage aux martyrs inconnus de la guerre, de cette journée abominable que fut le 13 octobre, et dire enfin à tous ces gens qui n'y croyaient pas, à tous ces gens qui se moquaient bien du 13 octobre, qu'ils avaient tort, et que ce jour-là est marqué dans l'histoire du Liban, et qu'il le sera à jamais dans nos coeurs . C'est grâce au 13 octobre que nous avons eu la dignité d'aller demander de nouveau notre liberté et notre souvraineté.
J'ai envie demander à Walid Joumblatt qu'est-ce qu'il en sait lui de la souvraineté, qu'est-ce qu'il en sait de la dignité humaine? Pourquoi dédaigne-t-il ce jour qui lui a permis de dire à nouveau NON aux syriens? Je suis trop loin...Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas contente ici...
Tout est merveilleux, même si mes examens commencent aujourd'hui, c'est bientôt fini, je vais rentrer dans 3 semaines... Je n'ai pas eu aussi froid au coeur comme je l'avais pensé, j'ai rencontré de nouvelles personnes qui m'ont réchauffé ce coeur que je croyais glacé pour un bon bout de temps... Eh ben non, j'ai retrouvé ma passion pour la vie, j'ai retrouvé la passion pour me battre pour les causes que je trouve juste. Alors je vais rentrer, et je vais me battre, comme d'habitude, mais différemment, parce que j'ai appris des choses, et je sais maintenant que pour bien défendre quelque chose, il faut savoir s'en détacher un moment, et y penser avec du recul...
Ca ne veut pas dire que j'ai arrêté de penser, mais je sais bien que je n'ai pas accordé une aussi grande importance à ces sujets que si j'étais au Liban. Finalement, j'ai l'impression de vivre un rêve, mes amis ici ne sont qu'un rêve, Alexis n'est qu'un rêve, qu'il va falloir que je délaisse en prenant l'avion du retour, pour pouvoir me préoccupper de personnes qui vont être certainement plus proches, ma famille, mes copines... J'ai envie de prendre des choses de part et d'autre et de créer mon propre univers... C'est très dur de rencontrer quelqu'un, de vivre avec lui des moments fabuleux, et puis d'être obligé de l'oublier, parce que sinon il te hantera pendant tout le reste de ta vie... Je pense essentiellement à Alexis qui va terriblement me manquer dès que je pars sur Paris le 20 ou le 21. Je suis sure qu'il n'aimerait pas le fait que j'y pense déjà, et je suis sure qu'il a raison, ça ne sert à rien de se tracasser la tête comme ça. Il faut vivre les derniers moments comme si c'était des moments normaux qu'on passe ensemble... Je pense aussi à Roland, Magnus, Davide, Mara, Francesca, mais aussi Frantzeska,Tuija, Carlos, Sahib, Paolo, Jure et aussi Anne-so et Najeh et Arnaud et Raph et tous les autres... Mais c'est comme ça, et il faut se mettre à l'évidence, ils vont tous me manquer, bien sur ça sera Alexis qui aura la part la plus importante, mais bon j'ai eu des amis de part et d'autre de cette belle histoire.
Je pense que quand je dis que le Liban me manque, je commence à réaliser combien à son tour Lille va me manquer, et combien ces 4 mois de folie et d'expérience vont me manquer, combien ces amis avaient un truc vraiment sincère en eux, comme moi j'en avais pour eux, la2anno ma fi masla7a, on étaient potes parce qu'on s'amusaient ensemble et voilà! Après tout, faire tout ce que j'ai fait en 4 mois, faut bien le faire : Berck-sur-mer, Beauvais, Paris, Bruxelles, Amsterdam, Versailles, Eurodisney etc........... 3 capitales européennes et une capitale départementale et régionale française, vivre dans une capitale régionale :) au milieu du chemin entre Paris et Bruxelles, c'est quand même pas mal :) Je suis contente, et satisfaite, j'ai envie de vraiment ne pas penser au jour où je vais partir de là.....
Ta génération...
"A Marina
Que les pages du malheur s'effacent devant ta génération.
Samir Kassir
Le 23-10-2005"
Considérations sur le malheur arabe. Affirmation sur le malheur libanais: Samir Kassir, ils continuent de t'assassiner chaque jour mille fois...
Comment leur dire d'arreter? Comment leur dire que tu aurais exécré leurs discours qu'ils faisaient en face de toi, et pour la premiere fois sans que tu ne puisses y repondre? Comment leur dire que pour toi, il faut vraiment pas jouer a l'hypocrite, tu les connais un par un...
Ta vengeance, tu l'auras. Peut-etre ici, sinon ailleurs, par nos mains, ou par celles de ton Createur.
Ta deuxieme famille, ce n'est pas le Nahar, ce n'est pas le YAD... C'est nous, tes etudiants, qui ne se soucient pas de se demarquer, ou d'avoir plus de popularite... Je n'en veux pas d'ailleurs, je n'en ai pas besoin... Le YAD, tu l'as fondé, et si seulement tu pouvais voir ce qu'ils ont fait... Tu les aurais massacrés par tes paroles l'un apres l'autre... Des drapeaux? Depuis quand? Ils sont fiers de leur premier martyr? Et alors? Nous tous savons bien que sans toi, le YAD ne serait qu'un groupe de personnes sans ideologie nouvelle... Le Nahar? Arrete Gebran, putain! Je ne vais pas te saluer, tu n'es pas sa famille, c'est moi qui le suis et je le merite plus que toi d'etre assise pres de sa maman!
Mais quel malheur... Je n'en reviens toujours pas, je rentre dans ma chambre chaque soir, je regarde pres de mon lit... Ta photo, Ton livre... Tu es la, dans mes pensees, et si je pense a comment te provoquer demain durant ton cours, je pense a tous ces petits trucs que j'aurais pu te dire ce dernier jour... Tu es le seul qui pouvait nous parler de la periode d'avant-nous...
Alors comme ca, on t'arrache de nous, nous les jeunes, nous tes etudiants, nous tes disciples... Ils pensent que tu ne pourras plus rien faire et qu'on aura peur de se mettre debout tous seuls...
Tu n'as appris suffisemment pour qu'on sache qu'une bataille, elle se mene rigoureusement, mais d'une facon moderee...
Le printemps de Beyrouth, tu l'as eu, sous tes yeux, tu l'as vecu, et, tant mieux pour toi, tu ne le verras pas s'effondrer... Le printemps de Damas, c'etait ton reve, ta bataille supreme, ta bataille au niveau superieur. Tu t'es sans doute dis, que si nous avons gagné Beyrouth, nous redoublerons d'effort pour nos freres syriens...
Mais meme tes soi-disants freres libanais ne connaissent pas ta vraie valeur, ne reconnaissent pas qu'ils ont perdu l'ame la plus franche, la plus honnete, la plus integre, la plus cynique, la plus impitoyable desfois, la plus activiste...
Les mots ne peuvent vraiment pas exprimer ma douleur... Tu t'en vas comme ca, tu nous laisse, alors que nous, tes etudiants, avons besoin de toi... Tu nous laisse, alors que nous avons tellement de choses a apprendre encore, plus que ton cours, plus que nos discussions a la place de la liberte...
"غصّ صالون كنيسة مار نقولا للروم الارثوذكس في الاشرفية طوال نهار أمس وحتى المساء بالوفود والشخصيات الرسمية والسياسية والاعلامية والحزبية المعزية بالزميل الشهيد سمير قصير."
Pour le Nahar, pas la peine de nous mentionner, nous n'existons meme pas pour eux...
Les pages du malheur? Pour moi elles ont commencé avec ton assassinat...
C'est la pensée libre qui est touchée, c'est bien plus que le malheur economique ou financier, ou meme le malheur politique... C'est le malheur intellectuel.... Le pire, c'est quand on voit des gens qui te sous-estiment, qui, en croyant te critiquer, reviennent sur tes origines palestinienne et syrienne, un "leftie"...
C'est ca, le malheur, c'est de voir les gens critiquer les autres sur des bases qui sont totalement fausses et incoherentes... Je pleure pour ca...
Le dernier jour...
Mercredi 1er juin,
Je n'oublierai jamais... Il est deja 1h00 PM, comme d'habiture, M. Kassir arrive vers 1h05, un sourire ironique au visage... "Yalla". C'est l'heure, pas la peine d'eteindre nos cigarettes, on les fait rentrer avec nous en classe. "Ah Monsieur, un instant j'ai oublie"... Je sors de la classe, et ramene avec moi le cendrier, son cher cendrier... Pour nous, c'est pas grave, on ramene des goblets avec un peu d'eau dedans...
Ce jour-la, l'avant-dernier cours, deux personnes avaient prepare un expose, il leur céda la place du prof, et comme d'habitude, se mit a se balader en nous regardant, a s'assoir sur le couch derriere les bancs de la classe, a fumer ses gauloises ultra light (apres avoir change des Philip Morris), le cendrier a la main. Puis, il s'assit pres de nous, entre nous, a ecouter parler de "l'art des mosquees"... On en a discute les mosquees, surtout celles de Beyrouth...
Les questions, a ceux qui exposent, pas a lui, il voulait bien voir ce qu'elles savaient, il avait cet air de septicisme quant a la sincerité du projet, ca se voyait dans ses yeux, mais il n'a rien dit... Il s'en fou pas mal de toutes facons, il ne veut pas etre desagreable... Il prefere regarder sa cigarette avant de l'eteindre, en se levant et en les remerciant pour le projet.
Il restait environ 45 minutes du cours... "Natasha, parlez-moi des elections, Marina, critiquez-moi ce qu'elle va dire"... Critiquer, facile... J'ai parle du Nahar, de sa bassesse, de son eloignement de sa superiorite en tant que journal elitiste... Il n'a pas repondu... Il a repondu a Philippe, qui lui parlait de Gebran... "Tu me parles a moi de Gebran? Tu me parles a moi de ca???" Il s'est laché, comme d'habitude...
La loi electorale, pas question pour lui qu'elle reste comme ca, il faut que chaque personne vote ou elle paye ses taxes..."Mais Monsieur, je ne peux pas quitter mes racines, c'est un truc culturel..." Un sourire tres cynique se dessine sur son visage... "C'est tres interessant cynthia ce que tu viens de dire, tres interessant, mais tres archaique, tres bete, tres stupide, je ne croyais pas qu'il y avait des personnes qui pensaient toujours comme ca, s'il te plait continue, et les autres, ecoutez-la c'est tres interessant...(mais qu'est ce que c'est archaique)"
On le provoque, il s'enerve...Il commence a parler en arabe "Ana 3am te7kine heik? wlo ana ana, 3am te7kine ana heik? Ma bi sir, 3raf abel ma3 min 3am te7ke" Encore, le sujet du Nahar... Il nous semble alors qu'entre Gebran et Samir, c'est un pti peu la guerre froide...
Il arrete un peu la discussion pour nous dire "de toutes facons, vendredi, ca va etre la derniere fois que vous me voyez"... Je lui ai repondu, avec d'autres camarades de classe "mais non, on va toujours vous voir a la tele, vous lire vos articles"... J'attendais vivement vendredi, pour pouvoir critiquer une derniere fois son article avant qu'il ne rentre en classe... J'etais en plus tres choquee de savoir que son article du vendredi devait etre intitulé "risala ila sadik 3awni", puisque je lui avait dit, vendredi passé "dakhlak Monsieur, lech ma btektoub 3anna ne7na? el chabeb? be3ouna w ra7o" apres une discussion en classe a propos des tentes et comment les politiciens nous ont mené du bout du nez...
Et puis, retour aux elections de Beyrouth... "Arretez d'etre hypocrites, il y a encore gharbiyye et char2iyye, il ne faut pas qu'on se leurre" dit un ami de Moukawimoun 7atta el 7orriye (ex- Ka3ida Kataeb).... Et C'est la pagaille en classe, entre "bala 7adiss ta2ife" et "ma ba2 fi gharbiye w char2iyye"... M. Kassir, regarde sa montre, remarque qu'il est deja 2h25...
Il se leve, regarde un autre ami qui etait deja debout et lui dit les derniers mots qu'il a prononce a la salle 52, salle Samir Kassir, "Tu as vu ce que j'ai fait? J'ai foutu la merde et je m'en vais", avec un petit rire, toujours le meme... Je l'ai entendu dire ces derniers mots, sortir de sa bouche, je lui ai souris : "Bye Monsieur" et j'ai continue dans la discussion qui ne s'est terminee que vers 3h00, puisqu'on avait un autre cours...
Nous ne meritons pas un martyr comme lui... Nous ne meritons pas nos martyrs...
S'il peut ecouter mes pensees, j'aimerai lui dire qu'il avait raison, mais qu'il y a encore beaucoup trop de personnes qui pensent "archaiquement" pour pouvoir arriver a une conclusion positive actuellement, j'aimerai lui dire qu'il est mon hero, que je l'aime et que je ne l'oublierai jamais... Les cigarettes durant son cours vont me manquer, ses remarques vont me manquer, ses sautes d'humeur, sa facon de chanter lors de mon exposé (musique arabe du XXeme siecle), sa facon de penser, ses blagues, son regard, son aide dans mes exposes... tout...
A M. Kassir, je te pleure, je pleure le Liban qui t'a perdu, je pleure notre génération qui vous tient comme idole, comme activiste pour un Liban meilleur, un rebelle pour la liberté, toute la liberté... Tu es libre M. Kassir, tu ne t'es jamais laissé faire, jusqu'au bout tu l'es resté, et tu l'es encore.