L'état d'urgence est actuellement réglementé au Liban par le décret-loi N°52 du 5 août 1967 (J.O. N°65, 14.8.1907, pp. 1260 - 1262).
A quelques nuances près, ce texte condense les dispositions qui régissent, en France, l'état de siège ET l'état d'urgence.
A - Hypothèses autorisant la déclaration de l'état d'urgence
L'article 1er du décret-loi N°52 du 5 août 1967 énonce les circonstances pouvant amener l'exécutif à déclarer l'état d'urgence. Il s'agit soit des cas de péril imminant résultant d'une guerre étrangère, d'une insurrection à main armée, ou de troubles menaçant la sécurité ou l'ordre public, soit d'évènements présentant le caractère de calamité publique.
B - Procédure de déclaration de l'état d'urgence
L'état d'urgence est décrété en conseil des ministres "sous réserve, stipule l'article 2, que se réunisse le Parlement pour connaître de cette mesure dans un délai de huit jours même s'il n'est pas en session".
1) Quelle est la signification exacte de cette réserve? Celle-ci tend à tempérer ce qu'a d'exorbitant le pouvoir d'appréciation reconnu à l'Exécutif, la Chambre se réunit pour connaître du décret déclarant l'état d'urgence; elle peut, en principe, se prononcer sur l'opportunité ou la légalité du décret, du moment qu'elle est souveraine.Il faut souligner que ce dont elle dispose en verty du texte de l'article 2, c'est bien d'un pouvoir de contrôle, elle peut en user dans le sens de la confirmation aussi bien que dans le sens de l'infirmation: le texte en arabe est net à cet effet: للنظر بالتدبير
Que peut faire le parlement quand il se réunit pour se prononcer sur le décret?
- S'il l'approuve, la notion d'approbation sera consignée au procès-verbal.
- Dans le cas contraire, il pourra abroger le décret par le vote d'une loi, sur la base d'une proposition émanant d'un membre de l'Assemblée, comme il se peut alors que soient remis en question les rapports du gouvernement avec la Chambre (question de confiance, dissolution...).
Il faut signaler que tout cela est une vue de l'esprit, puisque le parlement libanais n'a jamais encore annulé un décret déclarant l'état d'urgence et que l'Exécutif, au Liban, n'abuse pas de cette procédure.
2) Si l'on admettait que la loi laisse la déclaration de l'urgence à l'appréciation souveraine de l'Exécutif et qu'elle n'autorise le Parlement qu'à en prendre acte, le problème serait résolu; ainsi même en dehors des sessions, la Chambre pourrait se réunir du moment qu'elle n'aurait pas à se "prononcer" sur le décret. Mais cet argument ne tient pas à notre sens, puisqu'il se heurte au texte du décret-loi N°52 et à la Constitution.
a) En effet, l'article 2 du décret-loi N°52 stipule que le Parlement se réunit pour se prononcer sur la mesure décidée par le Conseil des Ministres. Le terme utilisé dans le texte arabe dans le décret-loi (للنظر بالتدبير) suppose l'existence d'un pouvoir de contrôle positif, reconnu à la Chambre; si celle-ci ne pouvait que prendre connaissance de la mesure et qu'elle eût un simple pouvoir d'enregistrement, texte serait différent; on aurait, par exemple l'expression للأخذ العلم أو الإطلاع . Or le terme employé, للنظر بالتدبير ne laisse place à aucun doute: il s'agit bien d'un pouvoir positif de contrôle.
b) la Constitution nous fournit un autre point d'appui pour écarter l'argument selon lequel le Parlement ne tient du décret-loi N°67-52 aucun pouvoir positif de contrôle.
Même si l'on admettait que la compétence du Parlement ne dépasse pas la possibilité de prendre connaissance de la déclaration de l'urgence, l'expression "même si le Parlement n'est pas en session" ne pourrait autoriser la violation de l'article 31 de la Constitution; cet article interdit, en effet, toute réunion en dehors du temps légal de session; donc même si l'on admettait que le Parlement appelé à connaître du décret déclarant l'urgence n'avait pas à se prononcer postivement à ce sujet, il faudrait souligner que, même dans ce cas là, il ne peut se réunir en dehors du temps légal de session. Donc ce que prohibe l'article 31 de la Constitution ce n'est pas uniquement les opérations de vote mais plus généralement toute réunion du Parlement en dehors des sessions.
D'ailleurs, cette argumentation donne un sens au texte de l'article 2 du décret-loi N°52: il s'agit de tempérer, par l'existence, même symbolique et théorique, d'un contrôle législatif, le pouvoir, nécessaire en temps de crise, reconnu à l'Exécutif de déclarer l'état d'urgence. La nécesité de ce contrôle apparaît à la lumière des pouvoirs extrêmement larges qui découlent de la déclaration de l'urgence.
C - Conséquences découlant de la déclaration de l'état d'urgence: 3 séries
I - D'abord, au plan de la police générale, celle-ci est détnue par le Commandant en Chef de l'armée, dont relèvent, par le fait même de la déclaration de l'urgence, toutes les forces armées (càd. forces de sécurité intérieure, pompiers, garde-frontières etc...) (art. 3 décret-loi N°52)
II - Des pouvoirs spéciaux sont ensuite reconnus à l'autorité militaire, c'est l'article 4 qui énonce des pouvoirs en 12 alinéas
1. Droit de réquisition qui portent sur les personnes et les biens: limitation du droit de propriété et atteinte aux libertés de la personne physique.
2. Inspection des domiciles de jour et de nuit
3. Recherche des armements et des munitions (perquisitions)
4. L'autorité militaire peut décider l'imposition d'amendes collectives
5. Elle peut décider également l'éloignement des suspects.
6. Possibilité d'instituer des "zones de défense et des zones de sûreté" dans lesquelles le séjour est soumis à un règlement spécial.
7. L'assignation ) résidence es personnes qui, par leurs activités constituent une menace pour la sécurité publique.
8. Interdiction des réunions contraires à l'ordre public
9. Droit d'ordonner, provisoirement, la fermeture des salles de spectacles et tous autres lieux de rassemblement.
10. Instauration du couvre-feu
11. Interdiction des publications contraires à l'ordre public (qui comportent une menace) et l'autorité militaire peut instituer une censure sur tous les moyens d'expression.
12. Application des règlements militaires relatifs aux opérations de guerre lors des transports des troupes et l'utilisation des armes et matériels.
III. Transfert aux juridictions militaires de la compétence répressive est automatique. Les tribunaux militaires connaîtront de trois séries d'infractions.
1. Les infractions commises en violation de l'article 4 qui vient d'être passé en revue
2. Les infractions contre l'Etat, même si elles sont commises en dehors de la zone d'urgence.
3. Les tribunaux militaires connaîtront également des délits relatifs au passage des frontières sous deux conditions, soit qu'ils portent atteinte à l'ordre public soit qu'ils aient été commis " en vue de procéder à des actes d'agression".
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