dimanche 22 juin 2008

1 juin 2007 - 2 ans déjà...


Il y a deux ans, jour pour jour, l'avant-dernier cours de Samir Kassir m'avait ouvert l'esprit à de nouvelles perspectives de pensée... J'attendais avec amusement le dernier cours du vendredi 3 juin... qui s'est transformé en journée de colère et de peine immense.
Je poste de nouveau ce que j'avais déjà écrit le 5 juin 2005...

Mercredi 1er juin,

Je n'oublierai jamais... Il est déjà 1h00 PM, comme d'habiture, M. Kassir arrive vers 1h05, un sourire ironique au visage... "Yalla". C'est l'heure, pas la peine d'éteindre nos cigarettes, on les fait rentrer avec nous en classe. "Ah Monsieur, un instant j'ai oublié"... Je sors de la classe, et ramène avec moi le cendrier, son cher cendrier... Pour nous, c'est pas grave, on ramene des goblets avec un peu d'eau à l'intérieur...

Ce jour-làa, l'avant-dernier cours, deux personnes avaient preparé un exposé, il leur céda la place du prof, et comme d'habitude, se mit à se balader en nous regardant, à s'assoir sur le couch derriere les bancs de la classe, à fumer ses gauloises ultra light (après avoir changé des Philip Morris), le cendrier à la main. Puis, il s'assit près de nous, entre nous, a écouter parler de "l'art des mosquées"... On en a discuté des mosquées, surtout celles de Beyrouth...

Les questions, à ceux qui exposent, pas à lui, il voulait bien voir ce qu'elles savaient, il avait cet air de septicisme quant à la sincerité du projet, ça se voyait dans ses yeux, mais il n'a rien dit... Il s'en fout pas mal de toutes facons, il ne veut pas être désagréable... Il préfère regarder sa cigarette avant de l'éteindre, en se levant et en les remerciant pour le projet.

Il restait environ 45 minutes du cours... "Natasha, parlez-moi des elections, Marina, critiquez-moi ce qu'elle va dire"... Critiquer, facile... J'ai parlé du Nahar, de sa bassesse, de son éloignement de sa superiorité en tant que journal élitiste... Il n'a pas répondu... Il a répondu à Philippe, qui lui parlait de Gebran... "Tu me parles à moi de Gebran? Tu me parles à moi de ca???" Il s'est laché, comme d'habitude...

La loi électorale, pas question pour lui qu'elle reste comme ca, il faut que chaque personne vote ou elle paye ses taxes..."Mais Monsieur, je ne peux pas quitter mes racines, c'est un truc culturel..." Un sourire très cynique se dessine sur son visage... "C'est très intéressant cynthia ce que tu viens de dire, tres intéressant, mais très archaique, très bete, très stupide, je ne croyais pas qu'il y avait des personnes qui pensaient toujours comme ca, s'il te plait continue, et les autres, ecoutez-la c'est tres intéressant...(mais qu'est ce que c'est archaique)"

On le provoque, il s'énerve...Il commence à parler en arabe "Ana 3am te7kine heik? wlo ana ana, 3am te7kine ana heik? Ma bi sir, 3raf abel ma3 min 3am te7ke" Encore, le sujet du Nahar... Il nous semble alors qu'entre Gebran et Samir, c'est un pti peu la guerre froide...

Il arrête un peu la discussion pour nous dire "de toutes façons, vendredi, ca va être la dernière fois que vous me voyez"... Je lui ai répondu, avec d'autres camarades de classe "mais non, on va toujours vous voir a la télé, vous lire vos articles"... J'attendais vivement vendredi, pour pouvoir critiquer une dernière fois son article avant qu'il ne rentre en classe... J'étais en plus tres choquée de savoir que son article du vendredi devait etre intitulé "risala ila sadik 3awni", puisque je lui avais dit, vendredi passé "dakhlak Monsieur, lech ma btektoub 3anna ne7na? el chabeb? be3ouna w ra7o" après une discussion en classe à propos des tentes et comment les politiciens nous ont mené du bout du nez...

Et puis, retour aux élections de Beyrouth... "Arrêtez d'être hypocrites, il y a encore gharbiyye et char2iyye, il ne faut pas qu'on se leurre" dit un ami de Moukawimoun 7atta el 7orriye (ex- Ka3ida Kataeb).... Et C'est la pagaille en classe, entre "bala 7adiss ta2ife" et "ma ba2 fi gharbiye w char2iyye"... M. Kassir, regarde sa montre, remarque qu'il est deja 2h25... Il se lève, regarde un autre ami qui était déjà debout et lui dit les derniers mots qu'il a prononcé dans la salle 52, salle Samir Kassir, "Tu as vu ce que j'ai fait? J'ai foutu la merde et je m'en vais", avec un petit rire, toujours le même... Je l'ai entendu dire ces derniers mots, sortir de sa bouche, je lui ai souris : "Bye Monsieur" et j'ai continué la discussion qui ne s'est terminée que vers 3h00, puisqu'on avait un autre cours...

Nous ne méritons pas un martyr comme lui... Nous ne méritons pas nos martyrs...

S'il peut écouter mes pensées, j'aimerai lui dire qu'il avait raison, mais qu'il y a encore beaucoup trop de personnes qui pensent "archaiquement" pour pouvoir arriver à une conclusion positive actuellement, j'aimerai lui dire qu'il est mon héros, que je l'aime et que je ne l'oublierai jamais... Les cigarettes durant son cours vont me manquer, ses remarques vont me manquer, ses sautes d'humeur, sa façon de chanter lors de mon exposé (musique arabe du XXeme siecle), sa façon de penser, ses blagues, son regard, son aide dans mes exposés... tout...

A M. Kassir, je te pleure, je pleure le Liban qui t'a perdu, je pleure notre génération qui vous tient comme idole, comme activiste pour un Liban meilleur, un rebelle pour la liberté, toute la liberté... Tu es libre M. Kassir, tu ne t'es jamais laissé faire, jusqu'au bout tu l'es resté, et tu l'es encore.

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