samedi 11 décembre 2010

Un monde tortionnaire, et le Liban un peu aussi...

L'ACAT-France (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) a récemment publié  le premier rapport sur la situation de la torture dans le monde. En 388 pages, plusieurs sujets et 22 fiches pays éclairant la situation de la torture forment, le rapport "Un monde tortionnaire" nous démontre que la torture est une pratique courante et acceptée dans tous les pays du monde, occidentaux soient-ils ou du reste du monde.

La méthodologie, expliquant les méthodes de recueil d'information, donne aussi une idée de l'élan qu'a voulu susciter l'ACAT pour sensibiliser les gens à cette problématique chronique tout en justifiant les choix des sources internationales, régionales et locales ayant documenté le phénomène.

Au-delà de la préface de la présidente de l'ACAT et des 22 fiches pays, le rapport inclut des articles de fond concernant "les écrans de la torture" (torture et cinéma, torture et télé etc) par le secrétaire général de l'association,  les séquelles psychologiques de la torture par la directrice du centre de soin de l'association Primo Levi, "torture et médecine" et "autour du principe de soumission à l'autorité".

Les articles les plus intéressants (à mon avis) sont ceux qui s'attaquent aux actualités de la torture. L'ancien rapport spécial pour la torture, l'autrichien Manfred Nowak, apporte une synthèse de son expérience dans "prisons et torture", on nous rappelle aussi que "Obama et la torture: peut mieux faire". Luiza Toscane, incontournable activiste de défense des droits de l'homme pour la Tunisie, rapporte avec Wahid Brahimi la torture qu'a subi ce dernier tout en donnant une image, sans chichis et fondée sur des preuves, de la torture, endémique dans le pays.

Quelques paragraphes sur le Liban, qui est bien placé par rapport aux pays choisis de la région: l'Egypte, l'Iran, Israël et la Tunisie ...La torture n'y est pas répandue et est très spécifique et en fonction des détenus (et de leur présumé crime). Le CLDH est cité pour affirmer que la torture a même diminué ces dernières années. C'est donc un pas en avant et je m'engage à soutenir les autorités dans ses efforts du respect de la dignité humaine quelque soit le crime commis.

Les victimes de la torture au Liban ont été identifiés comme étant : présumés terroristes (sunnistes djihadistes, syriens), islamistes (et sympathisants de Fath el Islam, akkar et tripoli), présumés espions pour le compte d'Israël, et certains prisonniers de droit commun (surtout ceux en rapport avec le trafic de drogue). L'objectif principal est l'obtention d'aveux, "la torture apparaît ainsi comme une méthode d'investigation à part entière".

Les méthodes sont nombreuses mais classiques, à ne pas trop plonger ce blog déjà trop plein de violence symbolique.

Voilà ce que l'ACAT a à dire par rapport à l'identification des lieux de la torture : "les centres de détention du ministère de la Défense gérés par les services de renseignement militaire, notamment la prison de Yarzeh ; le centre de détention d’al-Qubba, à Tripoli, par lequel a transité une partie des personnes arrêtées à la suite des affrontements de Nahr el-Bared ; les locaux de la Direction générale des forces de Sécurité intérieure, notamment dans le bâtiment du renseignement situé au sein de la prison de Roumieh directement administré par les services de renseignement des forces de Sécurité intérieure ; le centre de détention de Hobeich (Beyrouth Ouest) et celui du palais de justice de Zahle, connus pour les tortures infligées par les agents du bureau chargé de la lutte contre les drogues lors des interrogatoires de trafiquants présumés ; enfin, les centres de détention illégaux du Hezbollah, dont l’existence ne fait aucun doute,mais sur lesquels nous disposons de très peu d’informations. "

Les liens entre les services du Hezb et de l'Etat sont très complexes et les aborder ici d'une façon simpliste n'aurait aucun apport constructif. Peut-être faudrait-il y consacrer un article qu'il faudra évidemment documenter. Je répète : la propagande d'un côté ou de l'autre, c'est pas ici. De toutes façons, ce n'est pas moi qui en fait un gagne-pain.

Je ne m'attarderais pas au problème de la surpopulation carcérale car même la France connaît ces difficultés et je dirais la grande majorité des pays étudiés dans le rapport connaissent ce phénomène. En revanche, voilà une phrase par rapport à laquelle il est urgent d'agir : "Aucune distinction n’est faite entre les détenus en attente d’être jugés et les prisonniers condamnés ; les mineurs cohabitent parfois avec les adultes."
Il y a eu aussi près de 40 décès entre 2007 et 2010 qui restent inexpliqués selon les ONG "Alkarama, Association Entrepreneurs sans frontières, Restart Center, Khiam Center for the Rehabilitation of Victims of Torture, Centre libanais des droits humains".

Un libanais lambda dirait à un autre libanais : "je m'en fous de ceux qui sont torturés, qu'ils le soient, peut-être même qu'ils le méritent"... Ce même libanais lambda dirait à un étranger : "ohhh tout va trèèès bien au Liban on est super civilisés". Lambda est plein d'assurances mais c'est son attitude qui est embarrassante pour l'image de son pays.

C'est bien pour ça qu'on entre toujours dans des cycles de violence tous les 15 ans, l'amour que porte lambda à son pays est d'un égoïsme insupportable et malheureusement, c'est de ces genres d'amour destructeurs, il suffit de lire l'histoire de la guerre pour le comprendre. Je cherche à apporter à mon pays un amour différent : je veux crier ma rage sur ce qu'on peut améliorer mais qu'on y fait rien parce qu'on manque de volonté, parce que je veux vraiment contribuer simplement, à des rapports sains entre citoyens et Etat. C'est sur du concret que ça se joue, pas sur des mots qu'on vend en France. Quant à l'Etat, il ne demanderait que des gens comme moi, dynamiques et porteurs d'espoir et d'optimisme si lui aussi réussissait à remettre en ordre ses priorités.

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