lundi 3 août 2009

L'odeur du jasmin...

Le 1er juin 2005, à 16h30, il avait laissé sa classe d'une vingtaine d'étudiants se châmailler, une fois de plus, sur l'histoire de Beyrouth pendant la guerre. 18 heures plus tard, il est la cible d'un attentat à la Alpha Roméo. Il n'a pas eu le temps de terminer son éditorial du vendredi, qui devait être une lettre ouverte aux jeunes aounistes. Ses derniers mots: "J'ai foutu la merde et je m'en vais" résonnent encore dans ma tête (et sûrement celle de J-M).

On avait vu les bourgeons du printemps se former... Mais depuis, nous n'avons pas vu ni senti de fleurs de jasmin, ni d'oranger...

Entre ce moment et aujourd'hui, le 14 mars... (akh)... Le 14 mars nous a prouvé qu'il ne s'agissait pas de se rassembler dans une foule qu'on allait appeller "le 14 mars" et d'oublier, au passage, le budget de l'Etat dans les tiroirs du Premier Ministre jusqu'en 2008.

Depuis, il y a eu: plusieurs bombes, la guerre avec Israël, un immense sit-in qui n'a pratiquement servi à rien, la guerre avec Fath El-Islam au nord du Liban, plusieurs mois de vacance présidentielle, aucune réponse à nos attentes à nous, jeunes et citoyens, de ce qu'on attendait de cette majorité acclamée par le monde entier comme démocratique alors que la moitié sont des seigneurs de guerre... On a surtout pu apprécier tout au long de ces tristes années le vide institutionnel et intellectuel du 14 mars.

En quelques mois, il avait écrit des articles qui sont toujours d'actualité. En 4 ans, je n'ai toujours pas lu des articles du 14 mars dignes d'une vraie analyse.

On se tape dessus en mai 2008 (on se tape toujours dessus de temps en temps), mais pour les bonnes causes que voilà (il y a toujours de bonnes causes après coup): Doha, un nouveau Président, et un super brillant Ministre de l'intérieur, qui gère des élections transparentes mais truquées à l'avance (cf. les milliers de la diaspora qui sont rentrés la veille des élections et l'argent qui coulait à flot).

Et la meilleure, je suis sure qu'il l'aurait anticipé, peut-être qu'il l'aurait quitté lui-aussi (déjà qu'il n'était pas désillusionné... intifada dakhel il intifada). Je parle de Joumblatt qui déclare la fin de son alliance au 14 mars.

Parce que Joumblatt, ou le Parti Socialiste Progressiste, appartenant à l'Internationale Socialiste (qui peut le mettre à la porte puisque ça fait quelques années qu'il ne parle plus ni de paysans ni de gauche ni de lutte sociale), souhaite, revenir à la gauche, et faire revivre cette gauche libanaise désorientée (soit-dit en passant, qui est l'alliée de l'extrême droite chrétienne). Il veut donner un nouveau souffle à son parti, devenu rigide, druze, conservateur et traditionnel. Il veut libérer les paysans de leurs contraintes, donner du pain aux pauvres, comme tout parti de gauche qui se respecte. Mais surtout, il n'a pas oublié l'arabisme, oh que non ce rêve lointain qui revient au galop. La Palestine, blessure du monde arabe, c'est lui qui veut la chérir maintenant... Quant à sa visite à Washington, là où il aurait préféré être balayeur de rue plutôt que ministre du gouvernement, il assure que c'était un terrible point noir dans son histoire personnelle.

(Je me rappelle de 2005, la fin officielle du sit-in et la volonté des jeunes PSP de rester auprès du CPL et des FL jusqu'à la libération de Geagea et le retour de Aoun... Je me rappelle d'un certain coup de fil qu'ils ont reçu... Ils ont rangé leurs tentes et sont partis, amers et déçus... Si en 2005, Joumblatt faisait la gueule à ses jeunes, je peux imaginer à quel point il a besoin de son retour à gauche)

Ce n'est pas si surprenant venant de sa part, on le voyait vasciller depuis quelques temps. Ce qui m'emmène à une conclusion plutôt particulière: Pour que l'esprit du 14 mars vive, il faut que le 14 mars meurt, officiellement. Qu'ils créent un autre nom d'alliance du moins, ça sera mieux avalé, mieux marketé.

Il faut en finir avec Taëf, il faut dépasser Taëf. Et qui de mieux pour le dire que notre cher Président actuel, Michel Sleiman. Il appelle à des priorités nationales: l'indépendance absolue du judiciaire, un travail pour réactiver l'économie, mais surtout, il appelle aujourd'hui à l'initiation de larges et profondes réformes de nos institutions.

Et si ça, ça ne s'appellait pas une troisième République libanais, qu'est-ce qui s'appellerait comme tel?

Je n'en reviens toujours pas à l'idée que cette citation (qui restera dans les annales de l'histoire) appartienne à Michel Sleiman:

“If the problem lies with us, the politicians, then we should leave. If it lies with the Constitution, then we should amend it. If it lies in political sectarianism, then we should end it.”

Simple. Et au moins, quand c'est lui qui propose une réforme de la constitution, on ne le prends pas pour un mégalomane avide de pouvoir (même si je ne vois toujours pas le rapport avec cette accusation envers Michel Aoun lors de son appel pour une Troisième République il y a tout juste quelques semaines).

Quoi qu'il en soit, je pense que les politiciens, la constitution, et le confessionnalisme politique, forment le tryptique de nos malheurs. Les politiciens sont mauvais, mais ils ne partirons jamais, la constitution a besoin d'une vraie réforme, ce qui n'aura pas forcément lieu, et le confessionnalisme politique et j'ai envie d'applaudir. Comment les chefs religieux des 17 communautés vont faire? Hier encore à la télévision j'ai vu le représentant de la ligue syriaque, ainsi que le Patriarche grec-catholique Grégoire Lahham, demander officiellement des ministères syriaques et grecs-catholiques...

Mais bon... Je suis plutôt optimiste en ce moment. L'ombre de Rafic Hariri s'éloigne peu à peu, Saad est là et a envie de travailler donc pourquoi pas... Un trop lourd fardeau commence à se lever. On réalise qu'on a peut-être trop perdu de temps, et qu'on a foutu la honte aux héros de 1943, qu'on a un Etat à construire, bien de luttes à gagner. Si en plus, on arrive à établir une stratégie nationale de défense, ça serait trop beau.

Ce n'est que là qu'on commencera vraiment à voir arriver le printemps... Sinon, on risque d'attendre encore une quinzaine d'années (les habituels 15 ans de l'histoire du Liban 43 - 58 - 73 puis 75 - 90 - 2005)...

L'odeur du jasmin... se rapproche ou s'éloigne?? Je ne sais pas s'il pensait qu'il pourrait la voir de si haut, ou s'il allait tout juste disparaître après sa mort... Mais je sais que s'il a l'opportunité, il n'hésitera pas à jeter un regard vers nous de temps en temps

Je veux croire que l'odeur du jasmin n'est plus si loin que ça... Je suis persuadée que le 14 mars aurait été moins dans la merde si tu étais là et que tu avais continué à écrire. Tu aurais pu être leur instigateur de bonne conscience, celle qu'ils ont perdue... Mais voilà tu n'es pas là et j'ai envie de te dire tu nous fais chier toujours autant, même 4 ans après...




Pour tes quatre ans, Samir Kassir qui ne fumait plus que des gauloises ultra légères au carton Orange "plus cool" que mon paquet... avec un peu en retard...

1 commentaire:

frenchy a dit…

J'avais l'habitude ... de trouver une place vide dans cette ruelle vers 9h du mat...

Le jour précédent, une amie avec qui je devais bosser pour un projet de MBA avait annulé. Je m'étais donc pas rendu à ce rendez vous le lendemain.

En fait, cette place que j'avais l'habitude de prendre ... était celle ou Samir Kassir avait garé sa voiture, où se trouve aujourd'hui cet olivier.

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