Octobre...
Ca fait longtemps que je n'ai pas eu de temps à consacrer pour écrire, réfléchir, à certaines choses comme je le faisais en été... Je commence par quelques petits passages que j'ai écris rapidement durant ce dernier mois...
"Ca fait déjà un mois et 10 jours que je suis là... J'aime ma vie, par contre, j'aimerais ne pas avoir beaucoup trop de soucis, à appeller les soucis de septembre ou de la rentrée, les dépenses non calculées, non contrôlées qui peuvent gâcher le reste de l'année... A quoi je pense alors que la misère et le désespoir est encore omniprésent à Beyrouth... Hier, il y a eu l'officielle remise des diplômes à Beyrouth, j'aurais aimé être là, parmi mes copines, qui me manquent plus que tout...
A la place, avec mes potes à Lille, j'ai fait la fête comme rarement je ne l'ai faite, histoire d'oublier qu'ailleurs, à Beyrouth, j'aurais fait la fête avec mes copines. Hier soir, j'ai réalisé combien leurs amitiés me sont précieuses, et même si je rencontre chaque jour des gens nouveaux, et je me fais des amis, je ne pourrais jamais les comparer à mes copines..."
"Bientôt, on sera en octobre, il fera froid, pas la peine de se souvenir du pays, c'est comme si on se préparait à une nouvelle guerre civile... Pourquoi? Demandez au rassemblement de Harissa, à Geagea, qui instrumentalise les martyrs des Forces Libanaises, qui trahit l'esprit du 14 mars encore et toujours dans la logique "s'ils font des fautes, on en fait aussi pour mieux aboutir à ce qu'on veut"... On me dira, tu rêves, tu vis dans une utopie, tu croyais quoi, que tout le monde allait être convaincu par les paroles des intellectuels, qu'ils allaient réellement changer les choses, les mentalités... Je l'espérais, bien sûr, de tout mon coeur... Je comprends leurs peurs, leurs paranoias, sincèrement, mais je croyais qu'ils feraient au moins l'effort de limiter la paranoia du peuple, eux les grands cadres du DIALOGUE NATIONAL... Mais c'est encore quelquechose qu'on ne peut pas demander au Dialogue National. J'aimerais bien le renommer : Séance photos/souvenirs."
Déjà Octobre, pas très froid quand même... La fac, ça va, déjà un exposé, apparemment bien fait, les amis, très bien, les sentiments, un peu moins... Presque chaque soir, je regarde mes photos à Beyrouth, j'essaie de suivre sans m'énerver les nouvelles... Chaque soir aussi, depuis déjà 2 semaines, je dîne avec mes amis à la résidence, qui cassent leur jeûne!!! L'ambiance est géniale, je pense que je n'aurais jamais passé par là si j'étais restée à Beyrouth, en plus, faire un iftar chaque jour avec les libanais de la résidence crée une relation assez spéciale, une amitié profonde...
En écoutant de la musique arabe, plus tard dans les soirées, chacun entre dans sa bulle, chacun a ses souvenirs, ses images ancrées dans sa tête: le village, la famille, les amis, la guerre, les adieux de chaque été... En écoutant Marcel Khalifé avant de m'endormir, j'entre dans ma bulle spéciale, j'ai mes souvenirs, mes images dans ma tête, dans mon coeur, celles de Beyrouth... Beyrouth me manque, son rythme me manque, sa place de la Liberté me manque, Mar Mitr me manque... Et puis, je sais que si j'étais à Beyrouth maintenant, je me serais projetée à Lille, et maintenant, ce n'est pas que je me projette à Beyrouth, mais quand je ferme les yeux, et que je veux m'imaginer quelque part, je m'imaginerais près de la statue des Martyrs, ou au 37degrés, rue monot...
Ce qui me manque un peu, et qui, ne devrait théoriquement pas me manquer, c'est la rue monot du samedi soir, avec les filles blondes aux talons aiguilles et leurs décolletés signés, filles à papa en Mercedes, elles me faisaient rire... Ici, celle qui me font rire sont celle qui arrivent à la fac avec un pantalon vert, avec une jupe orange en dessus, et un pull violet (j'ai vu ça aujourd'hui), et comble de l'histoire, qui ira ce soir (à 300%) à la soirée avec les mêmes habits. On se distingue par ce qu'on porte, flashy dans tous les sens, trashy ou daddy's girl, pour les françaises c'est d'une façon, et pour les libanaises, c'est d'une autre façon... Au moins les libanaises essaient tant bien que mal d'être classy, ce que les françaises en ont rien à foutre de classy ou pas...
J'ai fait beaucoup de rencontres, certaines intéressantes, d'autres moins... Déjà les nouveaux libanais de la résidence, les camarades de conf, les mecs de l'IEP en soirées qui cherchent à s'amuser, un palestinien par pur hasard... Je pense que la rencontre la plus intéressante a été de Jamal, que j'ai rencontré à une soirée Erasmus, il parlait dans un arabe que je comprenais, contrairement au barman (marocain) que je ne comprenais absolument pas. Les discussions à partir de cette soirée m'ont fait découvrir quelque chose... C'est que, malgré nos différences fondamentales dans un nombre considérable de sujets, on n'est finalement pas si différents... Je réalise que c'est maintenant que je suis capable de parler de tout ce que Samir Kassir a voulu dire sur les préjugés, tout ce qu'il y a de mal, qui limite notre découverte du monde et des autres. Le préjugé du Palestinien méchant, qui veut prendre notre terre, raser nos villages, tuer les libanais : il y en a des palestiniens qui n'en ont rien à foutre, qui ne sont peut-être pas au courant de tout ça, ou qui sont complètement en dehors du système, qui ont leur vie ailleurs, qui aiment Wadih Al Safi et Fairouz, et Nizar Kabbani...
J'aurais 21 ans dans exactement 9 jours... Beaucoup de gens m'ont dit ces deux dernières années que je ne faisais pas mon âge, s'ils lisaient ce que j'écris ou s'ils m'écoutaient parler... Peu importe (si, mon ego a grandi un peu), 21 ans, je ne sais pas si je devrais être triste ou contente... Triste parce que je deviens plus âgée, je suis une femme maintenant, plus une gamine qui peut se permettre de faire ce qu'elle a envie de faire en sachant que son prétexte est son âge, triste parce que je pourrais voter au Liban enfin, triste parce que c'est quelque chose qu'on ne peut pas arrêter, j'aurais 30 ans, 40 ans, 50 ans... je ne peux pas m'arrêter à 20 ans (si seulement je pouvais le faire)... Ou plutôt contente parce que justement je gagne de l'expérience, parce que je deviens majeure au sens libanais du terme, que si je rentre au Liban on ne me regardera plus comme une gamine qu'on peut réduire au silence du fait de la connerie de tout me monde, 8 mars ou 14 mars...
Bref, en gros, ca va, ca va encore mieux depuis que Muriel est à Paris, je vais la voir bientôt, je parle avec Tony qui est à Nancy maintenant chaque jour, je suis contente que Cyril soit encore là...
Au programme pour la suite : Le w-e du 21 octobre, soit le w-e de mon anniversaire, je serais à Paris, pour la grande : "Réunion familiale des Frayx des Khoury" (les conférenciers seront : Peutrayce, Cayx, et moi)